Attentat de Nice: comment rassurer les enfants?

Un homme a foncé dans la foule avec un camion ce jeudi 14 juillet à Nice. Comment les parents peuvent-ils répondre aux questions des enfants sur le terrorisme, sans transmettre leurs propres angoisses?

Ce 14 juillet au soir, un homme au volant d’un camion a foncé dans la foule sur la promenade des Anglais, à Nice, provoquant la mort d’au moins 84 personnes. Couvert par les médias, le sujet sensible du terrorisme nécessite d’être abordé pour contenir l’éventuelle inquiétude qu’il provoque et limiter son impact dans les foyers. Comment aborder la question en famille? Eléments de réponse.

Répondre à toutes les questions

« Le dialogue est la clé », assure Anne Bacus, psychologue clinicienne spécialiste de la famille. « Demandez à votre enfant ce qu’il ressent face à cette injustice. Invitez-le à partager avec vous ses émotions. » Il ne faut surtout pas faire du terrorisme un tabou à la maison (ou ailleurs). « L’enfant est pourvu d’une capacité de penser« , rappelle Alix Foulard, psychologue, coach et praticien chercheur. « Mais c’est une personne qui a son propre niveau de maturité, en fonction de son âge et de son vécu. Il ne faut donc pas le brusquer, mais engager la discussion avec prudence, adapter son discours, sans le polluer avec des problèmes d’adultes« . Ne rentrez pas dans les détails complexes. « Cela ne sert à rien d’essayer de tout lui expliquer. Inutile de tenter de lui faire comprendre la différence entre musulman et islamiste, par exemple. Il faut rester clair, tout en se méfiant des raccourcis simplistes. »

Evitez cependant d’édulcorer la vérité. « Il ne faut pas faire vivre les enfants dans un monde truqué« , explique Pierre Mannoni, psychologue et enseignant chercheur à la retraite. « Si vous leur racontez des mensonges, ils n’auront plus confiance en vous et iront chercher les informations auprès de sources pas forcément fiables. Ne fuyez aucune question« , encourage le spécialiste.

Le choc des images

Difficile d’y échapper. Les images des fusillades sont diffusées en boucle. Et risquent de s’imprimer dans la tête de ceux qui pourraient se trouver exposés. « Vous n’allez évidemment pas allumer votre poste sur BFM TV et vous installer en famille sur le canapé! » lance Alix Foulard, qui conseille de garder les enfants à distance des chaînes d’information en continu ou du JT. Même avis pour sa consoeur Anne Bacus, qui préconise: « Tenez les enfants âgés de moins de 7 ou 10 ans éloignés de la télévision. Les images ont un impact plus fort que les mots sur le psychisme. Les parents doivent tenir leur rôle de pare-excitation, c’est-à-dire protéger leurs enfants d’images si fortes qu’elles deviennent traumatisantes. Cela leur évitera bien des cauchemars! »

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Anne Bacus ajoute: « Les adolescents ont davantage conscience du bien et du mal, de la vie et de la mort. On ne peut donc pas faire comme si rien ne s’était passé. Ils vont de toute façon y être exposés. Dans ce cas, il faut en parler, pour mettre l’horreur à distance. » Il est -quasiment- impossible que les jeunes de 12 à 18 ans aient échappé aux vidéos ou images circulant sur les réseaux sociaux. « Ils sont nés avec des portables ou des manettes de jeux vidéo dans la main! », ironise Alix Foulard. « Sauf que là, ce n’est pas virtuel, mais bien réel. » Une fois encore, il ne faut pas en minimiser l’emprise, et ouvrir le débat. « Comme les adultes, les ados sont en capacité de supporter une certaine dose d’images choquantes », déclare Pierre Mannoni.

Continuer à vivre normalement

La peur du terrorisme est en chacun de nous. Les parents doivent au maximum essayer de ne pas transmettre leurs propres angoisses. « Cela ne sert à rien de lui dire de rester vigilant. Il est impossible de prédire ce genre d’évènement », reconnaît Anne Bacus. La police et l’armée sont là pour les protéger. « A l’inverse, ne lui dites pas qu’il ne craint rien. On ne sait jamais ce qu’il peut arriver. Il faut continuer à vivre normalement. Rappelons que le risque est bien plus grand qu’il se fasse renverser par une voiture en allant à pieds à l’école, plutôt qu’il se retrouve dans un attentat! Essayez de vous maîtriser et de rester rationnel. Contenez vos propres émotions (peur, colère, tristesse…) pour ne pas les diffuser au sein de votre famille. »

« Expliquez-lui que ce qui fait notre force, c’est justement de ne pas obéir à la peur. Le courage n’est pas du côté des Kalachnikovs, mais de ceux qui refusent la violence. Discutez de la solidarité qui s’est mise en place, de la mobilisation et des hommages à travers le monde entier. Proposez aux plus grands de vous rendre aux marches de soutien. »

Et après?

Les parents se doivent de rester vigilants. « Soyez en alerte dans les jours qui suivent votre discussion », prévient Anne Bacus. « Le sujet est forcément abordé à l’école, que ce soit en classe par les enseignants, ou dans la cour de récréation avec ses camarades. Demandez-lui comment ça se passe. Écoutez ce qui se dit à la sortie de son établissement scolaire, rectifiez si besoin. Restez attentif à un éventuel changement de comportement, comme des troubles du sommeil, une perte d’appétit ou la peur de rester tout seul, qui pourraient traduire un état d’anxiété. »

« Faites aussi attention à la porosité de vos opinions politiques« , met en garde Anne Bacus. « Evitez de les politiser, cela arrivera bien assez vite! », avertit Pierre Mannoni. « Expliquez-lui que ses copains d’origine arabe ne sont pas des ennemis potentiels, ne représentent pas une menace et n’en demeurent pas moins fréquentables. On peut vite tomber dans le racisme. » Evitez le piège.