« Le Parc des Princes? Ce sera sûrement mieux demain »

Dans un clip dévoilé jeudi, le rappeur Jazzy Bazz regrette l’ambiance du Parc des Princes, vidé de ses ultras depuis plusieurs années. C’était mieux avant? Abel, notre contributeur, est un fervent supporter du PSG. Il raconte.

Le dernier clip du rappeur Jazzy Bazz, Ultra parisien a été mis en ligne jeudi sur YouTube. Sur fond de couleur rouge et bleu, un message clair dans la bouche de ce supporter du PSG: le Parc des Princes, c’était mieux avant.

Dans les premières secondes de la vidéo, on voit des images de la construction de l’enceinte du club de la capitale, ce stade qui a vu tant de grands joueurs, de grands matchs par la suite. La mélodie très nostalgique, assemblée aux images des tifos [grandes banderoles, NDLR] de « l’ancien » Parc, me noue la gorge. En voyant ces images, remontent les souvenirs des premiers matchs auxquels j’ai assisté gamin.

« Ce parc nous manque à tous »

Mon premier match? PSG-Le Havre, offert par mon grand-frère le 15 janvier 2003. Lorsque je monte les marches, la température monte, le bruit est sourd, enfin, je vois la pelouse, les tribunes… J’ai 8 ans. Cette date restera à vie dans ma mémoire. Le but de la tête d’Aloisio, est anecdotique. Ce qui me marque, c’est le stade, son public, cette ferveur incroyable pour un club aux résultats si médiocres. Beaucoup de matchs ont suivi. Plus grand, j’ai commencé à aller seul au Parc. Comment ne pas se souvenir de cette ambiance incroyable le jour où le PSG a vaincu Saint-Etienne 3-0, ou la victoire contre le grand Lyon avec ce but de Giuly?

Ce parc nous manque à tous. C’était un endroit où tu pouvais crier ton amour debout sans qu’un fan de Zlatan ne te demande de t’asseoir. Mon amour pour ce club ne s’arrête heureusement pas aux tribunes. Il m’arrive de vibrer quand Pastore slalome et trompe Cech, ou quand Lucas humilie toute l’équipe marseillaise. Mais, souvent, je regarde la qualité de notre équipe, les résultats incroyables, et je me dis qu’avec les anciennes tribunes, ça aurait été incroyable! »

Les lois imposées par le club ne permettent plus de montrer sa ferveur

On a vu Raï pleurer, Ronaldinho nous remercier, Pauleta porté par la foule. On a l’impression que le stade est devenu passif, sans âme. Avant, les associations de supporters lançaient plus d’une dizaine de chants pendant un match. Jamais il n’y avait une minute de silence! Aujourd’hui, ce public « consommateur » regarde les parties en mangeant du pop-corn, et ne vit pas vraiment l’événement. En l’absence de cette ambiance, les joueurs ne semblent plus attachés au club, ne se rendent pas compte de l’importance et de la joie qu’ils amènent à des milliers de personnes. Est-ce de la faute des personnes présentes dans les tribunes? Non, car pour la plupart, ce sont les mêmes qu’avant. Seulement, les lois très strictes imposées par les patrons du club ne permettent plus de montrer sa ferveur.

Le public mérite-t-il vraiment de récupérer ce stade ? L’ambiance incroyable d’antan s’est malheureusement souvent accompagnée de violences. Le manque de courage (ou d’envie) des autorités de l’époque a fait qu’une poignée de personnes racistes venaient envenimer chaque match par leur haine, plutôt que par amour pour le foot. Je n’oublie pas les superbes souvenirs, mais je n’oublie pas non plus que mon frère craignait de m’emmener au Parc parce qu’il avait peur pour ma sécurité.

« Je n’oublie pas les cris de singes »

Je n’oublie pas les scènes de guerre avant le match PSG-OM de 2010. Impossible d’effacer de ma mémoire les cris de singe de certains aliénés. Comment peut-on plaider en faveur du retour des ultras alors qu’ils sont incapables de se gérer lorsqu’une fête est organisée au Trocadéro pour célébrer le titre de champion? En 2013, je suis allé fêté la victoire, je me suis retrouvé à courir dans les rues de Paris en évitant les ultras et les CRS.

Le Parc, c’était mieux avant? Et même si le Parc est dans le coma, je ne désespère pas qu’il revive un jour pour soutenir la plus grande équipe que le PSG n’ait jamais eu! Pour cela, il ne faut pas regarder en arrière mais essayer de regarder vers l’avenir. Le Parc, c’est comme le rap, c’était pas mieux avant, mais ce sera sûrement mieux demain.

Sécurité sociale: la leçon allemande de la Cour des comptes

La sécurité sociale est en déficit depuis 13 ans. Dans son rapport annuel, la Cour des comptes estime que la France devrait s’inspirer de l’exemple allemand pour repasser dans le vert..

La Sécurité sociale allemande? Bénéficiaire, à hauteur de 3,4 milliards d’euros en 2014. Son homologue française? Déficitaire, depuis treize ans. D’après le dernier rapport annuel de la Cour des comptes, la Sécu a encore creusé son trou de 13,2 milliards d’euros en 2014. Compte tenu de la croissance anémique, le retour à l’équilibre promis pour 2017 est repoussé à 2020, dans le meilleur des cas. La France a pris la mauvaise habitude de financer sa protection sociale à crédit. « Il s’agit là d’une anomalie profonde, dangereuse », selon le président de la Cour Didier Migaud. Le remède serait allemand. Explications.

L’hôpital français, trop cher

« Face aux enjeux du vieillissement et de l’extension des maladies chroniques, le système de santé reste trop centré sur l’hôpital », qui « représente 37% de la dépense », estime la Cour des comptes. Par exemple, l’hôpital prend en charge le traitement par dialyse de l’insuffisance rénale chronique. La Cour estime qu’il devrait se recentrer sur d’autres missions. L’hôpital « n’apporte pas aux patients d’avantage relatif justifiant des coûts élevés ». La Cour préconise la greffe de rein. Le coût annuel d’un patient greffé est de 14 700 euros, contre 65 091 euros pour un patient dialysé.

Mais l’hôpital français est surtout trop cher. Une dialyse revient à 62 000 euros en France, contre 40 000 en Allemagne pour une qualité de soins équivalente. L’hôpital allemand ne pèse que 29% dans la dépense totale de santé. Pourtant, les Allemands ne vont pas moins à l’hôpital que les Français, bien au contraire. Ils y effectuent plus de séjours (24 290 sorties d’hôpital pour 100 000 habitants contre 20 721 en France) d’une durée légèrement plus longue (9,3 jours contre 9,1 jours en France).

Pour expliquer cette différence de coût, la Cour incrimine des charges de personnel plus élevées dans notre pays, alors que l’hôpital allemand a externalisé certaines fonctions. Seconde explication, « les soins ambulatoires constituent une part significative de l’activité des hôpitaux français ». En Allemagne, ils sont confiés à la médecine de ville. Ainsi que les soins de suite et de réadaptation ou les soins de longue durée.

En Allemagne, le tiers-payant généralisé

Du côté de la médecine de ville, justement, la Cour retient aussi certaines particularités allemandes. Certes, les Allemands consultent deux fois plus leurs médecins que les Français. Les médecins gagnent mieux leur vie que leurs homologues français, mais leur rémunération est sévèrement encadrée pour ne pas faire déraper les dépenses. En effet, l’assurance-maladie allemande est tenue de respecter l’équilibre budgétaire dans le cadre d’un principe d' »auto-administration ». La limite budgétaire négociée chaque année par les médecins au sein de chaque Land doit être respectée.

Outre-Rhin, le tiers payant est généralisé, ce qui permet de contrôler l’activité des praticiens. Ils ne sont pas payés directement par leurs patients, mais par leurs associations professionnelles, qui leur attribuent individuellement des enveloppes de rémunération prélevées sur le budget régional. Contrairement à la France, oùles médecins peuvent prendre autant de patientsqu’ils veulent, les médecins allemands ne doivent pas dépasser un certain volume d’activité. Sinon, ils sont payés de façon dégressive.

Alors que les dépassements d’honoraires représentent 12% du volume total des honoraires en France, ils sont interdits en Allemagne pour les assurés affiliés à une caisse publique (89% des cas). Le système allemand impose « une responsabilisation financière des praticiens », note avec satisfaction la Cour des comptes. De ce fait, il a permis de contenir le volume de dépenses de médecine de ville, même s’il est plus important qu’en France.

Retraites: le rêve d’une caisse excédentaire

Des caisses de retraite excédentaires, la France n’y croit même plus. Entre 2000 et 2014, l’assurance vieillesse des salariés a réalisé un déficit de 65 milliards, tandis qu’elle était excédentaire de 16 milliards d’euros en Allemagne. Rien d’étonnant à cela, puisque les retraités français partent en moyenne deux ans plus tôt que les Allemands, et perçoivent un montant de pension de retraites supérieur de 8%. Circonstance aggravante, leur espérance de vie est plus élevée.

Quelle leçon en tire la Cour? Comme l’Allemagne donne la priorité à des « objectifs de compétitivité économique et d’équilibre financier », elle a procédé à des réformes plus radicales que la France, condamnée à remettre régulièrement son ouvrage sur le métier. « Les conditions d’âge de départ à la retraite à taux plein ont été plus fortement durcies dans le régime allemand que dans le régime français », remarque la Cour, en reconnaissant que la France rattrape son retard avec sa dernière réforme.

Notre système de retraite gagnerait cependant « à s’inscrire dans un mouvement d’adaptations en continu », estime la Cour. Mais les mécanismes d’ajustement qui permettent de garantir l’équilibre du système allemand ont un inconvénient: « Ils supposent d’être très attentifs à leurs conséquences éventuelles quand ils jouent sur la situation des retraités », note la Cour.

« La générosité, un choix social »

L’Allemagne, un exemple à suivre? « La France a un problème spécifique en matière de santé, reconnaît pour L’Express l’économiste Henri Sterdyniak. Les dépenses augmentent un peu vite. » Limiter les recettes des professionnels, quand elles augmentent sans raison apparente, est « une piste qu’on peut suivre », reconnaît-il.

Mais le spécialiste de politique sociale à l’OFCE a toutefois une autre interprétation que la Cour des comptes sur le déficit français comparé à l’excédent allemand: « Il est entièrement dû à la différence de situation économique! Il manque 6 points de PIB à la France, cela représente 30 milliards de cotisations sociales en moins. » Un déficit en grande partie conjoncturel? Effectivement, la Cour des comptes décompose le déficit 2014 en une part structurelle de 3,7 milliards, moins élevée que sa part conjoncturelle de 9,5 milliards.

En ce qui concerne les retraites, en revanche, l’économiste réfute l’hypothèse que la France aurait des leçons à recevoir de l’Allemagne: « Les Allemands sont moins généreux que nous sur la retraite, mais la générosité est un choix social », estime-t-il. Encore faut-il pouvoir se le payer.

Lise, bipolaire: « Les autres ne peuvent pas soupçonner ma face cachée »

Lise, co-fondatrice du site Tendances de Mode, a souffert d’anorexie avant d’être diagnostiquée bipolaire en 2010. Aujourd’hui, à 32 ans et après plusieurs traitements, elle mesure le chemin parcouru.

J’ai vécu mon enfance dans une sorte de maison enchantée. Avec mes cinq soeurs et mon frère -je suis la quatrième-, nous formions une grande fratrie. Mon père était kiné, ma mère prof d’Histoire, puis elle s’est arrêtée de travailler pour nous élever. Nous vivions dans un petit village du Nord-Pas-de-Calais. J’étais une enfant pleine de vie et d’imagination. Nous étions très libres, un peu coupés du monde. Notre grand-père paternel vivait avec nous. Il dégageait une force tranquille qui m’apaisait.

Quand il est décédé, à 92 ans, j’avais 11 ans. Du jour au lendemain, toutes les forces de la maison ont été chamboulées. Mon père est devenu le chef de famille, mais ça n’était pas la même chose. Au collège, ça se passait moyen. J’étais vue comme une enfant turbulente, dissipée. Je ne comprenais pas pourquoi il y avait des règles. Je ne travaillais pas.

« Je me sentais extérieure à mon propre corps »

A 14 ans, en troisième, je suis sortie avec mon premier petit ami: Julien [son futur mari]. J’étais très amoureuse, mais on s’est séparés à la fin de l’année scolaire: je ne le trouvais pas assez entreprenant. En seconde, je suis partie en pension à Lille, dans un lycée qui proposait des cours de théâtre. Là, je suis tombée amoureuse d’un surveillant, Thomas*. A la fin de l’été, il m’a quittée pour quelqu’un d’autre. Cette rupture m’a brisée. Peu à peu, je me suis mise à manger moins. Je me disais: « Il ne t’a pas aimée, toi, donc maintenant il faut que tu deviennes quelqu’un d’autre. » J’ai fait trois lycées en quatre ans. Je sortais avec plein de mecs mais je ne ressentais plus rien. Je me sentais extérieure à mon propre corps.

En terminale, je suis devenue hyper anorexique. Je travaillais à fond, ça allait avec mon nouveau désir de perfection. J’avais des super notes. J’ai décroché mon Bac L, option théâtre, avec la mention Bien.

Avant d’entamer des études de droit -je souhaitais devenir commissaire-priseur-, je suis partie seule en vacances en Égypte avec mon père. Au cours de ce séjour, trois personnes sont spontanément venues me voir pour me parler de ma maladie. Ca m’a permis de mieux prendre conscience de ce qui m’arrivait. Ces vacances très douces constituent un moment charnière dans ma vie: j’avais mon père pour moi toute seule, à mon écoute, et la nourriture m’était servie dans un cadre nouveau, différent, agréable.

« J’avais l’impression que je n’étais pas montrable »

A mon retour, j’ai réintroduit plein de choses dans mon alimentation. J’ai fait deux mois de droit, puis j’ai réalisé que j’avais plutôt envie de faire de la mode. J’ai intégré Esmod à Roubaix, mais les cours ne m’intéressaient pas. Seule la troisième année d’école, centrée sur les costumes de scène, à Paris, m’a intéressée, mais je n’allais en cours qu’un jour sur deux. La moitié du temps, j’avais l’impression que je n’étais pas montrable. J’ai eu mon diplôme -ça n’était pas très dur- puis je suis partie aux Etats-Unis, à Philadelphie, en tant que jeune fille au pair, pour améliorer mon anglais. J’étais dans une famille francophone, en banlieue. Si j’avais été en France ça aurait été pareil, sauf que là, il y avait plus de bouffe. Je suis devenue boulimique. J’ai pris 15kg en six mois.

A mon retour, je ne rentrais plus dans mes fringues. Or j’avais besoin d’un boulot. Je me suis donné six mois pour retrouver un corps qui me permettrait de me sentir à nouveau montrable. Je me suis lancée dans un régime super strict, mais comme je n’étais plus anorexique, tous les trois jours, je craquais, m’enfonçant dans un cercle vicieux. J’ai quand même perdu du poids car je faisais beaucoup de sport. Au bout de six mois, je m’étais délestée de 12kg. Je me trouvais toujours moche, mais je pouvais chercher un boulot.

J’ai décroché un entretien à Lyon, chez Z, l’enseigne pour enfants. Au même moment, Julien m’a appelée. Il habitait Paris. On s’est revus et on est retombés amoureux. J’ai eu le poste, mais Julien préférait que je m’installe avec lui à Paris. J’ai accepté. J’avais 23 ans. Au bout de six mois, il m’a demandé de l’épouser. On s’est mariés, puis on a décidé de créer une marque de fringues pour enfants, Les petits zigotos. On s’est installés à Honfleur.

« Mon humeur jouait à la roulette russe »

Peu à peu, je me suis rendu compte que j’avais des accès de violence. Il m’arrivait même d’avoir envie de taper Julien. J’ai alors eu une grosse prise de conscience: alors que jusque-là, je croyais que je n’allais pas bien parce que ma vie n’était pas celle que je voulais, là, j’étais amoureuse, d’un homme qui m’aimait, je n’étais plus chez mes parents, j’exerçais un métier qui m’intéressait, bref sur le papier tout allait bien, et pourtant ça n’allait toujours pas. J’étais prise d’angoisses énormes quand quelqu’un m’invitait à dîner. Chaque matin, mon humeur jouait à la roulette russe. Je pleurais sous ma douche. Quand ça n’allait pas, je restais prostrée dans mon lit, émettant des envies de changements drastiques.

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Au début, Julien a pris ce que je disais pour argent comptant, essayant de trouver des solutions à tout. Au bout de six mois, il a compris qu’il y avait un problème. Je suis allée voir une psy à Deauville. Elle m’a prescrit de l’Effexor, un antidépresseur. Les pulsions de violence ont disparu, mais ma vie ne s’est pas vraiment améliorée. D’autant moins qu’au même moment, notre marque s’est cassé la figure.

En 2007, on a lancé notre site, Tendances de Mode. Au début, j’y écrivais trois articles par jour, tandis que Julien s’occupait de l’aspect technique et du référencement. C’était assez prenant. Au bout d’un moment, on a pu en vivre, mais au départ, ça n’était pas le cas. Au quotidien, la nourriture était un sujet compliqué. On ne mangeait pas la même chose. Julien ne pouvait rien me dire, j’étais ultra susceptible. Le moindre temps de réponse pouvait me rendre folle si je sentais une micro fissure dans son regard sur moi. Je faisais deux heures de sport par jour pour compenser mes pics de compulsions.

« On s’aimait d’un amour fusionnel, mais ça ne m’empêchait pas d’avoir régulièrement envie de sauter par la fenêtre »

C’était dur, pour l’un comme pour l’autre. On s’aimait d’un amour fusionnel, mais ça ne m’empêchait pas d’avoir régulièrement envie de sauter par la fenêtre. Je n’étais pas fiable: souvent, j’avais envie d’aller à un rendez-vous, mais il m’était physiquement impossible de m’y rendre. Des amis sont partis, lassés de mon inconstance. Cette alternance de moments d’euphorie et de déprime restaient très cachée: même ma famille n’en savait rien. En cela, c’était très différent de l’anorexie, qu’on ne peut pas ne pas voir et qui désarçonne tout le monde.

En 2010, nous avons emménagé à Paris. Sur un coup de tête, j’ai arrêté mon traitement. On s’est retrouvés aux urgences de Sainte Anne. Là, pour la première fois, une psychiatre m’a dit que j’avais des troubles de l’humeur. Elle m’a prescrit de la Depamide, un antiépileptique qui ne me soignait qu’à 30%. Je suis allée la voir toutes les semaines, mais je n’avais pas l’impression d’avancer. Elle me disait que le médicament n’aurait de l’effet qu’au bout d’un an. Six mois plus tard, elle m’a diagnostiquée bipolaire. Tout ça n’en restait pas moins flou.

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Peu après, avec Julien, nous avons décidé de partir nous installer à Vancouver. C’est l’avantage avec notre site: une connexion Internet nous suffit pour pouvoir travailler. Nous avions envie de faire un bébé. Là-bas, j’ai fait la connaissance d’une psychiatre très douce. Je lui ai parlé de mon envie d’enfant. Pour cela, il fallait que je change de traitement. Elle m’a proposé de passer au Xeroquel, un médicament révolutionnaire avec lequel je pouvais être enceinte.

Vancouver s’est révélé un cadre de vie très agréable. Peu à peu, mon corps s’est affiné. Pas parce que j’étais au régime mais parce qu’on faisait tout à pied. Au bout d’un an, j’avais l’impression d’être guérie tant mon énergie était devenue stable.

Je suis tombée enceinte. Chaque matin, j’avais la trouille que les choses changent, mais non, je continuais de bien aller. Et puis la fin de notre visa est arrivée. Je voulais accoucher au Canada pour permettre à notre enfant d’avoir la double nationalité, mais ça n’était pas possible. On est rentrés à Paris.

« Je pensais aussi que la maternité allait me faire devenir adulte »

Là, jusqu’à l’accouchement, tout s’est bien déroulé. Je me sentais fière de mon nouvel équilibre. A la naissance de Charles, je n’ai pas souffert. J’ai vécu l’accouchement comme quelque chose d’irréel. Avec le recul, je crois que j’aurais aimé que ça se passe autrement, que je ressente les choses plus intensément afin d’éprouver véritablement une sorte de passage. Je m’attendais à ce qu’une relation sacrée s’établisse immédiatement avec mon enfant, mais ça ne fut pas le cas. Je l’aimais, mais je ne ressentais aucun déversement d’amour. J’étais juste moi, avec un enfant. Je pensais aussi que la maternité allait me faire devenir adulte, me faire devenir femme. Ça ne fut pas le cas non plus. J’étais désarçonnée. Je pensais enfin pouvoir entrer dans une case, mais ça ne marchait pas comme ça.

Je n’ai pas pris de congé maternité. Julien et moi nous sommes occupés de Charles à tour de rôle. Assez vite, le sommeil haché et la fatigue ont fait ressurgir certains troubles. Les phases de mélancolie et d’angoisse sont revenues. Au bout de six mois, nous avons pu faire garder Charles, mais les oscillations n’ont fait qu’aller en s’empirant, jusqu’à ce que je retrouve tous les symptômes de ma bipolarité.

Cette maladie s’avère très différente d’une personne à l’autre. Certaines peuvent avoir des phases up ou down de plusieurs mois. Moi, à ce moment, j’avais plutôt deux jours bien, puis trois jours pas bien. Pas bien, « en bas », ça veut dire plein d’angoisses vis à vis du quotidien, la peur de ne pas y arriver, se sentir affreuse. Avoir l’impression que tout va s’effondrer, que rien n’est stable, que Julien va me quitter parce qu’il ne m’aime plus, que tout ce que je fais c’est de la merde. Des accès de boulimie, l’énergie à zéro, l’arrêt du sport. L’impossibilité de voir quelqu’un, de sortir de la maison. Avec le temps, j’ai appris à ne pas trop parler pendant ces périodes, tant je sais que ce que je pense alors est généré par des angoisses sans lien avec la réalité.

« Les gens prennent mes baisses de moral pour un manque de volonté »

Les périodes de « haut », au contraire, sont des moments de grande excitation. Je fais beaucoup de sport, mon alimentation est réduite, j’ai l’impression très agréable que je peux tout faire. Je fais plein de projets, je suis très positive. Je prends des rendez-vous, j’ai envie de voir plein de gens. Avec les autres, je suis excessivement joyeuse, enthousiaste, gentille. Les gens m’aiment beaucoup, trouvent que je vais bien. Ils ne peuvent pas soupçonner ma face cachée. Quand je leur dis, ils ont même du mal à me croire. Ils prennent mes baisses de moral pour un manque de volonté.

C’est le drame de la bipolarité: les mots qu’on utilise pour définir notre état sont les mêmes que ceux des gens normaux. Du coup, ils ne comprennent pas pourquoi, quand ça ne va pas, on n’arrive pas à se remettre en selle. Un jour, alors que je n’étais pas encore maman, l’une de mes soeurs m’a dit: « Une fois que tu auras un enfant et que tu habiteras ailleurs, ça ira mieux. » Or ça n’était pas mon environnement qui pouvait changer quelque chose à mon état. On a déménagé plusieurs fois, ça n’a jamais rien résolu.

En 2012, six mois après la naissance de Charles, je savais qu’il fallait que je revoie quelqu’un. A cause de mes oscillations d’humeur, mais aussi en raison de cauchemars récurrents. Une amie m’a conseillé une psychanalyste. La première séance s’est révélée magique. Elle m’a permis de mettre plein de choses en relation. Les séances suivantes furent moins spectaculaires, avec des ressentis aléatoires. Cette psychanalyste m’a par ailleurs indiqué un psychiatre, afin de me faire prescrire des médicaments.

J’ai tout de suite été en confiance avec ce psychiatre. Il m’a appris qu’il était normal que le Xeroquel, que je prenais depuis le Canada, ne fasse plus d’effet car c’est un médicament dont l’efficacité décroit avec le temps. Il avait envie de tenter le lithium. J’avais peur que ça me fasse grossir. Il m’a proposé d’essayer: avec le lithium, au bout de trois semaines on sait si on va grossir ou pas. J’étais tellement mal que j’ai accepté.

« J’ai l’impression d’entrer dans une nouvelle normalité, un peu grise »

Aujourd’hui, j’en suis à six mois de traitement au lithium. Ça a un peu augmenté mon appétit, mais je n’ai pas vraiment pris de poids. On attend d’avoir trouvé la juste dose pour supprimer Effexor et Xeroquel. Ça va mieux. Il n’y a quasiment plus de jours où je me retrouve dans l’incapacité de travailler. Mes moments de down sont plus courts, moins intenses. En revanche, globalement, je me sens un peu plus froide dans mon rapport aux autres. Un peu plus indifférente. J’ai arrêté d’aller discuter avec les mendiants dans la rue par exemple, chose que je faisais régulièrement avant.

J’ai l’impression d’entrer dans une nouvelle normalité, un peu grise. Je n’ai plus de phases up. Ces moments de surcroît d’énergie me manquent. Jusque-là, j’ai toujours pu compter sur des périodes de trois jours au cours desquelles je faisais plein de choses sans efforts. Quand j’ai dit ça à mon psychiatre, il m’a répondu: « Bienvenue dans la vie réelle. »

Moi, dans l’absolu, j’aurais voulu conserver mes phases hautes et ne plus avoir de phases basses. Un peu comme quelqu’un qui prend de la drogue. Mais c’est le contraire qui s’est produit.

Depuis quelques mois, j’ai l’impression de découvrir la vie comme tout le monde la voit. Sans filtre Instagram alors qu’avant, j’en avais plein. Cette capacité à m’émerveiller s’est estompée alors que je croyais qu’elle faisait partie de moi. Je me rends compte aujourd’hui que cette « extra-sensibilité » devait faire partie de mes troubles bipolaires.

« Je suis désormais capable de me demander ce que je veux au fond de moi »

Malgré cela, je ne veux pas croire que la vie réelle est moins sympa que la vie de bipolaire. J’apprécie par exemple d’avoir des phases up & down moins marquées, car cela m’aide à mieux me connaître. Avec la bipolarité, vous êtes tellement instable que vous avez du mal à savoir ce que vous pensez vraiment. Je suis désormais capable de me demander ce que je veux au fond de moi, en tant que femme, épouse, maman, en termes de projets et d’idéal de vie.

Je commence seulement à avoir certaines réponses, et ces réponses ne me plaisent pas forcément, notamment dans mon rapport aux gens. Je me découvre par exemple moins généreuse que ce que je croyais. Je sais que j’aime les autres, mais auparavant, cette générosité était exagérée. Il faut que je replace tous les curseurs, dont beaucoup étaient très hauts.

C’est aussi déstabilisant pour les autres. Je crains particulièrement que Julien n’aime pas la nouvelle Lise, qu’il la trouve moins drôle, moins surprenante. Mais au fur et à mesure, je me rends compte que ça va et que lui-même s’est apaisé. C’est moins les montagnes russes, et le fait que j’aille mieux l’autorise à plus de vulnérabilité. Les rôles s’inversent. Ça fait du bien.

*Le prénom a été changé.

Par Lise, propos recueillis par Géraldine Dormoy

Réforme du code du travail: la loi El Khomri (ou loi Travail) décryptée

Loi El-Khomri: les syndicats réformistes manifestent pour la révision du projet

Loi El-Khomri: les syndicats réformistes manifestent pour la révision du projet

Des rassemblements à travers toute la France sont organisés ce samedi, à l’initiative cette fois des syndicats réformistes CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa et Fage. En jeu, une révision du texte, sans quoi ils n’écartent pas de rejoindre la CGT et FO, qui demandent l’abandon pur et simple de la loi El Khomri.

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Gaza: deux enfants tués dans un raid israélien nocturne

Gaza (Territoires palestiniens) – Une fillette palestinienne de six ans et son frère de dix ans ont péri dans un raid aérien israélien mené samedi avant l’aube dans la bande de Gaza en représailles à des tirs de roquettes sur Israël, selon des sources médicales.

« Israa Abou Khoussa, six ans, a succombé après avoir été grièvement blessée lors d’un raid sur le village de Beit Lahiya dans le nord de la bande de Gaza, dans lequel son frère Yassine, dix ans, a été tué » sur le coup, ont affirmé les sources médicales palestiniennes.

Vendredi soir, l’armée israélienne a annoncé que des roquettes avaient été tirées depuis l’enclave palestinienne vers Israël, sans faire de victime.

Comme après chaque tir similaire, l’aviation israélienne a riposté et mené avant l’aube quatre raids contre des bases de la branche armée du mouvement islamiste Hamas, au pouvoir à Gaza.

« En réaction à l’agression, l’armée de l’air a frappé quatre sites du Hamas dans le nord de la bande de Gaza« , a indiqué l’armée dans un communiqué.

La maison de la famille Abou Khoussa, dont un troisième enfant de 13 ans a également été blessé, se trouve à proximité de l’une des bases des brigades Ezzedine Al-Qassam. Les raids ont provoqué d’importants dégâts.

Dans l’après-midi, des centaines de personnes ont participé aux funérailles du jeune Yassine, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Des groupes se revendiquant de l’idéologie de l’organisation jihadiste Etat islamique ont revendiqué plusieurs tirs de roquettes sur Israël, une trentaine en un an et demi. Mais invariablement Israël mène les raids de représailles sur des sites appartenant au Hamas, qu’il considère comme unique responsable de la sécurité dans la bande de Gaza.

Ismaïl Radouane, un haut cadre du Hamas, a dénoncé les raids israéliens, y voyant « une escalade » dont il a fait porter « l’entière responsabilité » à l’Etat hébreu.

Essai thérapeutique mortel: « Le laboratoire cache-t-il quelque chose? »

Dans une interview au Parisien, le frère du volontaire mort lors d’un essai clinique à Rennes exprime ses doutes et exige des réponses du laboratoire. « Comment est-il possible d’autoriser l’administration de doses aussi élevées? », s’interroge-t-il. La famille a porté plainte.

« Mon feeling me disait que ce n’était pas bon. » Voilà ce qu’a ressenti Laurent Molinet lorsque son frère, Guillaume, lui a annoncé qu’il allait participer au test d’une molécule à visée antalgique. Quelques jours plus tard, ce dernier est déclaré en état de mort cérébrale. Dans une interview au Parisien publiée ce vendredi, le frère de la principale victime de l’essai thérapeutique mortel à Rennes, qui a aussi entraîné l’hospitalisation de cinq autres volontaires, annonce que lui et ses proches ont déposé plainte contre X au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris.

Deux mois après l’accident clinique, la famille -Guillaume Molinet avait une compagne et quatre enfants- est toujours tourmentée par les interrogations. Selon les premiers éléments, c’est la molécule, mise au point par le laboratoire portugais Bial et testée par le centre de recherches rennais Biotrial, qui est en cause. Celle-ci était censée apaiser la douleur et l’anxiété, en agissant sur les récepteurs cannabinoïdes, mais a provoqué de graves lésions cérébrales chez les patients. Mortelles, dans le cas de Guillaume.

« Il devait être un joker »

« On veut savoir ce qui s’est passé. Le laboratoire Bial cache-t-il des choses? Comment est-il possible d’autoriser l’administration de doses aussi élevées? », s’interroge Laurent Molinet. Des experts mandatés afin de la lumière sur le drame ont en effet jugé « problématique » l’augmentation brutale des doses administrées à la cohorte de patients. Selon eux, il aurait fallu une progression plus « raisonnable ». D’autant que des animaux sont morts lors des essais précliniques.

Le laboratoire de recherche Biotrial a mis au point l'essai clinique pour le compte du laboratoire Bial.

Le laboratoire de recherche Biotrial a mis au point l’essai clinique pour le compte du laboratoire Bial.

afp.com/LOIC VENANCE

Selon le frère de la victime, celui-ci était en « excellente santé ». Bien qu’étant le volontaire le plus âgé de la cohorte, 49 ans, il a été « déclaré apte ». « Au départ, Guillaume m’a expliqué qu’il devait être remplaçant, ou un joker dans cet essai clinique, en réserve d’une cohorte de six personnes qui allaient prendre le médicament. Mais ils ont passé des examens médicaux et un des titulaires a été recalé », raconte Laurent Molinet, qui assure que son frère était confiant.

Une hospitalisation tardive?

Reste une question, à laquelle l’enquête n’a pas encore répondu: pourquoi Guillaume est-il le seul patient à être décédé? La manière dont la molécule agit sur le cerveau n’est pas encore claire. Mais dans leur rapport, les experts se demandent si celle-ci n’aurait pas des effets plus dévastateurs si le patient consommait du cannabis, ou si celui-ci n’a pas déjà eu un choc traumatique dans le passé. « Il avait arrêté [de fumer] depuis plusieurs années », rétorque son frère. Quant à son traumatisme crânien, il assure qu’il date de quand Guillaume avait « six ans » et que ça n’a donc « rien à voir ».

Jeudi soir, document à l’appui, Le Figaro a révélé que la victime présentait des symptômes neurologiques graves dès le matin de son hospitalisation: troubles de la vue, difficultés à articuler… Or, le laboratoire rennais Biotrial a toujours assuré que ses troubles étaient « mineurs » à ce moment-là, ce qui expliquerait pourquoi l’essai s’est poursuivi avec les autres volontaires le lendemain. Le quotidien se demande si ces symptômes n’auraient pas dû alerter le centre et si celui-ci n’aurait pas dû hospitaliser Guillaume Molinet plus tôt, pris en charge seulement dans la soirée.

Le parquet attend les résultats d’expertises

Lors d’une conférence de presse à Paris, ce vendredi, l’avocat de la famille Jean-Christophe Coubris s’en est remis au parquet, en qui il a « toute confiance ». Mais il a souhaité qu’une information judiciaire soit confiée à des juges d’instruction, pour avoir accès au dossier, ce qui n’est pas le cas lors de l’enquête préliminaire. Le parquet a dit vendredi à l’AFP attendre les résultats d’expertises médicales « en cours » pour « envisager les suites et le cadre procédural le plus approprié ».

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Loi Travail: deuxième jour de concertations, à la veille d’une journée de mobilisation

Paris – « Avancer, expliquer, réformer »: Manuel Valls poursuivait mardi sur deux fronts sa bataille pour le projet de réforme du droit du travail avec d’un côté les partenaires sociaux et leurs doléances parfois divergentes, et de l’autre le PS, qui réclame une « amélioration ».

Le Premier ministre reprend mardi à 18H00 la concertation avec les syndicats et le patronat, à la veille de manifestations et grèves dans toute la France contre le projet de loi à l’appel d’organisations de jeunesse, mais aussi de syndicats dont FO et la CGT.

M. Valls doit recevoir Carole Couvert (CFE-CGC) et Pierre Gattaz (Medef), en présence des ministres Myriam El Khomri (Travail) et Emmanuel Macron (Economie).

Il se rendra ensuite à 20H30 à un séminaire spécial des députés socialistes, dont beaucoup ont menacé de ne pas voter le projet de loi en l’état et réclament « des améliorations« .

« Je vois les difficultés. Mais ce que je crois, c’est qu’il faut avancer, expliquer, réformer« , a dit Manuel Valls devant le groupe PS au Sénat à propos du projet de loi, selon un participant. « La réforme s’inscrit dans la continuité des réformes du quinquennat » et c’est « un sujet majeur« , a-t-il encore ajouté.

Le projet « n’est absolument pas mort-né« , a de son côté assuré Myriam El Khomri. La veille, elle a eu droit à une longue et houleuse discussion au Bureau national, instance dirigeante du PS, où Martine Aubry a déclaré qu’il y avait « beaucoup, beaucoup de choses à modifier » dans ce projet « extrêmement dangereux« .

Avec cette réforme du droit du travail, le gouvernement espère répondre au chômage de masse en rendant le marché plus « flexible« , mais syndicats et politiques dénoncent un texte trop favorable aux entreprises et pas assez protecteur pour les salariés.

– « Condition sine qua non » –

Ce que demandent les syndicats, c’est le retrait de l’introduction d’un plafonnement des indemnités prud’homales, qui atteindrait au maximum 15 mois de salaire pour un salarié ayant 20 ans d’ancienneté au moins. Selon Philippe Louis, président de la CFTC reçu lundi à Matignon, M. Valls semble fermé à cette option. Or le numéro un de la CFDT Laurent Berger en a fait la « condition sine qua non » de son soutien.

Les syndicats s’inquiètent également de la précision des critères du licenciement économique, qui pourrait entraîner une augmentation des licenciements abusifs et favoriser le dumping social en Europe. Mme El Khomri a assuré mardi devant une association d’aide aux chômeuses qu’il ne s’agissait pas de « faciliter le licenciement« .

Deux stratégies s’affrontent: les syndicats réformistes (CFDT, CFTC, CFE-CGC, Unsa) réclament des améliorations au texte, notamment un meilleur encadrement de l’apprentissage, du forfait-jour, des astreintes, ou la primauté du rôle de la branche dans les accords sur le temps du travail. Les syndicats contestataires (CGT et FO) exigent, eux, le retrait du texte.

Du côté du patronat, l’inquiétude est tout autre: favorable à certains articles décriés par les syndicats, il craint que le gouvernement ne dénature son texte. Et il s’inquiète de la création du compte personnel d’activité qui, lui, est salué par les syndicats.

Le CPA, présenté comme la grande réforme sociale du quinquennat de François Hollande, vise à rassembler les comptes personnels de formation et de pénibilité, selon le projet initial de la loi El Khomri. Les syndicats réformistes réclament qu’il intègre aussi le compte épargne temps, ce qui « risque de compliquer énormément la vie de la petite entreprise« , a prévenu François Asselin, président de la CGPME reçu lundi.

Le texte devait initialement être présenté en conseil des ministres mercredi, mais face à la fronde des syndicats et d’une partie de la gauche, un report a été décidé au 24 mars, pour laisser la place à la concertation.

Lundi, Manuel Valls est resté discret sur ses intentions, se contentant d’écouter les doléances de Philippe Martinez (CGT), Laurent Berger (CFDT), Jean-Claude Mailly (FO), Philippe Louis (CFTC) et François Asselin (CGPME).

Tout juste a-t-il redit à ses interlocuteurs que « des choses pouvaient bouger« . Les réponses précises aux revendications des syndicats et du patronat sont attendues lors d’une « restitution » le 14 mars.

Brésil: soupçonné de corruption, Lula ne « craint pas » la justice

Sao Paulo – Le scandale de corruption autour du géant pétrolier Petrobras continue de susciter des remous politiques au Brésil, après l’interpellation de l’ex-président Lula qui a affirmé ne pas craindre la justice et clamé son indignation.

« Je me suis senti prisonnier ce matin » dans les locaux de la police fédérale situés à l’aéroport de Congonhas, à Sao Paulo (sud-est), a déclaré vendredi Lula au siège du Parti des travailleurs (PT). « S’ils voulaient m’entendre, il fallait juste me convoquer et j’y allais. Je ne dois rien (à personne) et je ne crains pas » la justice.

Selon le procureur Carlos Fernando dos Santos Lima de l’Etat du Parana (sud), en charge de l’enquête, l’ex-chef d’Etat a bénéficié de « beaucoup de faveurs » de la part de grandes entreprises du bâtiment, accusées de corruption dans le scandale Petrobras.

« Les faveurs sont nombreuses et difficiles à quantifier« , mais « personne n’est au-dessus de la loi dans ce pays« , a martelé devant la presse le procureur, qui n’envisage pas de demander l’incarcération de l’ancien chef d’Etat à l’heure actuelle.

L’ancienne icône de gauche, qui a gouverné le Brésil de 2003 à 2010, a qualifié la perquisition à son domicile, puis son transfert au siège de la police, de « show médiatique plutôt qu’une enquête sérieuse« .

L’actuelle présidente Dilma Roussef s’est également indignée de l’interpellation « inutile » de son mentor, dans un communiqué.

Les procureurs « ont rallumé la flamme qui m’habite! La lutte continue!« , a lancé Lula, faisant part de son « indignation » face à ceux qui « veulent criminaliser le Parti des travailleurs, criminaliser Lula » par crainte que le PT reste au pouvoir.

« Je ne sais pas si je serai candidat en 2018 » à la présidence, a-t-il lancé, promettant toutefois de parcourir le pays en défense du parti qu’il a fondé en 1980, vers la fin de la dictature.

Vendredi soir, devant des centaines de partisans réunis à Sao Paulo, Lula a réitéré un message de combativité: « S’ils veulent me vaincre, alors ils devront m’affronter dans les rues de ce pays« . « Si quelqu’un pense que les persécutions et les dénonciations vont me faire taire, moi j’ai survécu à la faim, et celui qui survit à la faim ne renonce jamais« , a-t-il lancé.

Devant le siège du PT, des dizaines de militants agitaient les drapeaux rouges du parti et des banderoles de soutien à Lula. « Il n’y aura pas de coup d’Etat!« , criaient-ils.

– ‘Violence juridique’ –

Le président vénézuélien, le socialiste Nicolas Maduro, lui a apporté son soutien via Twitter: « De cette attaque misérable tu sortiras plus fort, le Venezuela t’embrasse« .

Lula a subi « une violence juridique« , a dénoncé son avocat, Cristiano Zanin Martins. « Rien ne justifie cette urgence. C’est un affront à la Constitution« , a-t-il souligné.

L’ex-président a été interrogé sur un appartement triplex, une maison de campagne et des conférences, « qui sont des sujets connus pour lesquels il a déjà été interrogé et a déjà répondu« , a poursuivi l’avocat.

Devant son domicile comme à l’aéroport où il a été interrogé, des dizaines de militants pro et anti-Lula lançaient des mots d’ordre et s’insultaient mutuellement, parfois en venant aux mains, sous les yeux attentifs d’effectifs de police armés.

Lancée en 2014, l’enquête sur le scandale Petrobras a mis au jour un système de trucage systématique des marchés passés entre le géant pétrolier contrôlé par l’Etat et 16 entreprises, donnant lieu à des commissions de 1 à 3% sur chaque contrat, dont une partie était reversée à des élus de la coalition au pouvoir.

L’interpellation de l’ex-chef de l’Etat est intervenue au lendemain d’une avalanche de nouvelles accusations de corruption dans le scandale Petrobras, avec notamment la déclaration d’un sénateur impliquant, selon la presse, Rousseff et Lula en assurant que la présidente a manipulé l’enquête.

« Ces révélations filtrées, apocryphes, sélectives et illégales doivent être rejetées et leur origine rigoureusement tirée au clair car elles bafouent la loi, la justice et la vérité« , a réagi Dilma Rousseff.

La chef de l’Etat actuelle est elle aussi en mauvaise position, menacée par une procédure de destitution lancée fin 2015 par un groupe de juristes soutenus par l’opposition, qui l’accusent d’avoir maquillé les comptes publics.

Trump et Clinton écrasent leurs rivaux pour la Maison Blanche

Washington – La route vers l’investiture pour la présidentielle leur semble désormais grande ouverte: Donald Trump et Hillary Clinton ont largement dominé leurs rivaux lors des primaires américaines cruciales du « Super mardi ».

« Merci Géorgie !« , « Merci Massachusetts! » « Merci Tennessee!« , « Merci Alabama !« , « Merci Virginie!« : le milliardaire de 69 ans s’est réjoui, sur Twitter, d’une impressionnante série de victoires.

« Ce fut une soirée fantastique« , a-t-il déclaré depuis Palm Beach, en Floride, se présentant comme le seul capable de « rassembler » le parti et donnant rendez-vous aux électeurs de cet Etat où aura lieu la prochaine primaire, le 15 mars.

La défaite du jeune sénateur Marco Rubio en Virginie, où il nourrissait de réels espoirs, sonne comme une véritable claque pour celui qui espérait encore rallier sur sa candidature tous les « anti-Trump« .

Le parti républicain, qui espère retrouver la Maison Blanche après deux mandats du démocrate Barack Obama, est cependant divisé sur la candidature du magnat de l’immobilier, dont les propositions iconoclastes et le style abrasif dérangent.

Géorgie, Alabama, Tennesse, Virginie, Arkansas, Texas : comme attendu, Hillary Clinton l’a elle emporté haut la main dans les Etats du Sud où les minorités lui confèrent un grand avantage.

Dans un discours prononcé depuis Miami, l’ancienne secrétaire d’Etat s’est déjà projetée vers l’élection du 8 novembre, réservant ses attaques aux républicains.

« Le niveau du discours dans l’autre camp n’a jamais été aussi bas« , a-t-elle lancé, dénonçant, dans une allusion aux propositions de Trump sur les Mexicains ou les musulmans, la stratégie consistant à « diviser l’Amérique« .

– Rubio, grand perdant –

Seul rival de l’ancienne Première dame dans le camp démocrate, le sénateur Bernie Sanders l’a emporté dans son fief du Vermont, frontalier du Québec, ainsi que dans l’Oklahoma.

Comme en Caroline du Sud samedi, Hillary Clinton a remporté la quasi-totalité du vote noir en Virginie: 82%, selon les sondages de sorties d’urnes. Deux tiers des électrices démocrates ont également voté pour elle.

Mais la base de Bernie Sanders parmi les jeunes démocrates ne s’érode pas: 71% des 17-29 ans ont voté pour lui dans cet Etat.

Visiblement épuisé, le sénateur de 74 ans, a tenté de faire bonne figure, rappelant que la course était encore en longue: « 35 Etats doivent encore voter« , a-t-il lancé lors d’un discours où la flamme qui a marqué sa campagne jusqu’ici semblait éteinte.

Si sa campagne a les moyens financiers de poursuivre le combat pendant plusieurs mois, l’issue du duel fait désormais peu de doute.

Un cinquième des délégués républicains et un quart des délégués démocrates devaient être attribués durant ce seul « Super mardi« .

Le sénateur ultra-conservateur du Texas, Ted Cruz, l’a emporté dans son fief ainsi que dans l’Oklahoma, sauvant la mise et sans doute sa campagne.

Grand perdant de la soirée électorale, Marco Rubio est resté évasif sur la façon dont il entendait remonter la pente: « Quand je serai président, nous poursuivrons le rêve américain! » a lancé celui qui estime que Trump représente « une grave menace » pour l’avenir des Etats-Unis.

– ‘Politiques de la peur’ –

Selon un sondage CNN publié mardi, les démocrates l’emporteraient dans tous les cas dans un duel face au milliardaire, avec une marge légèrement plus confortable pour M. Sanders (55% contre 43%) que pour Mme Clinton (52% contre 44%).

Preuve des tensions qui traversent le camp républicain, Donald Trump est la cible d’attaques tous azimuts auxquelles il répond, pour le plus grand plaisir des larges foules qui viennent l’applaudir, du tac au tac.

En trois jours, il s’est vu reprocher d’avoir refusé de condamner le Ku Klux Klan, d’avoir retweeté une citation de Benito Mussolini, de forcer sur le faux bronzage ou encore d’être lié à la mafia du bâtiment.

Certains conservateurs affirment désormais publiquement qu’ils ne voteront pas Donald Trump à la présidentielle.

Le rival républicain malheureux de Barack Obama en 2008, John McCain, a jugé « inquiétant » le niveau du débat dans son camp, appelant de ses voeux une campagne présidentielle « qui ne se concentre pas sur la taille des oreilles des gens » ou « leurs problèmes de sudation« .

Reflétant la perplexité de nombre de dirigeants occidentaux face à la montée en puissance de Donald Trump, le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, en visite à Washington, s’est invité dans le débat politique américain.

« Construire des murs est une très mauvaise idée, peu importe qui les finance« , a-t-il lancé dans une allusion au mur que l’homme d’affaires veut construire à la frontière entre Mexique et Etats-Unis.

« Gardons-nous de ces politiques de la peur, elles sont dangereuses pour l’Europe et pour les Etats-Unis, elles sont mauvaises pour le monde« , a-t-il insisté.