PSA: le quasi-doublement du salaire de Tavares provoque des remous

Paris – Rejetée côté syndical et gouvernemental, défendue par le patronat: la rémunération quasi doublée en 2015 du patron de PSA Peugeot Citroën, Carlos Tavares, a provoqué des remous mardi.

Le président du directoire du premier groupe automobile français a reçu un salaire de 5,24 millions d’euros en 2015, selon le document de référence de l’entreprise publié vendredi. En 2014, sa rémunération s’était établie à 2,75 millions d’euros.

Cette forte progression est principalement due à l’accroissement de la « part variable » du salaire basée sur l’évolution des résultats. Or, PSA a connu une excellente année 2015, bouclant même en avance son plan de reconstruction.

La société a réalisé l’année dernière un bénéfice, pour la première fois depuis 2010, de 1,2 milliard d’euros. La rentabilité a elle aussi fait un bond: la marge opérationnelle de la division automobile a atteint 5%, au plus haut depuis 2002.

Un net contraste avec la situation de quasi-faillite que M. Tavares, transfuge de Renault, avait trouvée début 2014 quand il avait pris les rênes de ce fleuron industriel français. Il avait lancé un plan qui était notamment passé par des efforts demandés aux salariés.

A court terme, PSA n’avait dû son salut qu’à l’intervention de l’Etat français et du Chinois Dongfeng, tous deux entrés au capital à hauteur de 14%.

Or, les représentants de l’Etat au conseil d’administration ont voté contre la hausse de la rémunération de M. Tavares, a indiqué mardi le ministre des Finances Michel Sapin, la qualifiant de « dommageable« .

« Si nous étions dans une entreprise où l’Etat a 30%, ou 40%, ou 50% » de participation, « ça aurait bloqué« , a ajouté le ministre en regrettant que les autres actionnaires n’aient pas adopté une position similaire.

Dans un entretien au Parisien de mercredi, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron estime que M. Tavares « a tort de faire abstraction de la sensibilité des Français » sur le sujet.

Les syndicats de PSA ont réclamé que les salariés soient davantage associés aux résultats. Jean-Pierre Mercier (CGT) s’est dit « révolté et écoeuré« . « C’est le même PDG qui nous tient le même discours depuis des années, à savoir qu’il va falloir encore se serrer la ceinture, encore bloquer nos salaires, encore supprimer des emplois, des primes« , a-t-il ajouté.

– Polémiques récurrentes –

La somme en question est « exorbitante et peu entendable pour les salariés« , a jugé Franck Don (CFTC), tout en admettant que le patron d’un grand groupe industriel doit pouvoir être récompensé quand il participe à son redressement, sinon « il ira dans une autre entreprise« .

De son côté, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a parlé de rémunération « pas légitime« .

Pour le Front national, Carlos Tavares, doit « renoncer à une partie » de sa rémunération en 2015 et « PSA doit désormais revoir son mode de rémunération, en concertation avec les salariés du groupe« .

Le leader de Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly a estimé que c’était le « mode de rémunération » des présidents d’entreprises qui « pose problème« .

Le patronat est venu à la rescousse de M. Tavares. « Il faut féliciter Carlos Tavares du redressement exceptionnel qu’il a fait de PSA« , a déclaré Pierre Gattaz, patron du Medef, sur France Info: « quand il y a de la réussite, ça ne me choque pas qu’on récompense la réussite« .

Et le président du conseil de surveillance de PSA, Louis Gallois, a jugé que la rémunération de M. Tavares n’était « pas disproportionnée du tout » par rapport à celles d’autres constructeurs automobiles français et du CAC 40.

Le redressement de PSA « beaucoup plus rapide qu’escompté« , « est quand même dû largement à l’action de Carlos Tavares et il est tout à fait normal que sa rémunération en bénéficie« , a ajouté M. Gallois dans un entretien à l’AFP.

La rémunération des patrons français constitue un sujet de polémique récurrent. Le gouvernement, après avoir plafonné en 2012 la compensation des dirigeants d’entreprises publiques à 450.000 euros par an, s’est déjà prononcé ces dernières années contre les rémunérations jugées excessives des patrons de plusieurs grands groupes dont il est actionnaire, dont Renault, Safran et Thales.

L’Etat a ainsi voté en 2015 contre la rémunération du PDG de Renault, Carlos Ghosn, qui s’était alors élevée à 7,22 millions d’euros.

Le prédécesseur de M. Tavares chez PSA, Philippe Varin, avait de son côté dû renoncer en 2013 à une retraite chapeau de 21 millions d’euros après une avalanche de critiques.