3 bonnes occasions de créer une SCI

Grâce à la souplesse de ses statuts, la société civile est idéale pour administrer un patrimoine en famille. A condition d’en respecter les contraintes, elle facilite sa gestion et sa transmission et permet même de sérieuses économies fiscales.

Il est de tradition de prétendre que les notaires ont un dada qu’ils recommandent à tous leurs clients : la création d’une société civile pour gérer un patrimoine, le plus souvent immobilier (SCI), plus rarement mobilier. Les mauvaises langues soutiennent que leur première motivation est de percevoir des honoraires. Ce n’est pas entièrement faux puisque ces professionnels auront droit à des émoluments pour les services qu’ils vous rendent.

Quoi qu’il en soit, ils ont de bonnes raisons de proposer cette structure lorsqu’il s’agit de vous aider à surmonter les nombreux obstacles juridiques résultant d’une situation familiale ou patrimoniale ou à réaliser d’importantes économies d’impôt. Des interventions qui vous feront rapidement oublier la facture présentée par le clerc de l’étude. La société civile de patrimoine est, en effet, un outil d’une grande souplesse qui s’adapte à toutes les situations. Les statuts sont rédigés très librement de façon à prévoir toutes les hypothèses dans la gestion des actifs. Les règles de fonctionnement, en dehors de certaines contraintes qu’il convient de respecter, sont également modulables.

De plus, la société civile permet de contourner le principe de droit français d’unicité du patrimoine : toute personne n’a qu’un seul et unique patrimoine, lequel est indivisible. Cette règle rend impossible ou difficile la transmission à titre gratuit d’un actif en plusieurs fois. Dans bien des cas, indivision successorale, patrimoines inégaux des époux, concubinage ou donation à moindre coût, la société civile est utile et même fortement recommandée. Mais il ne faut pas non plus se bercer d’illusions et croire que tout est facile pour en bénéficier. Le formalisme au moment de sa création est rigoureux et les règles de fonctionnement sont contraignantes, voire lassantes avec le temps. Comme le rappelle le dicton populaire, « on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre ». Autrement dit, les avantages d’une société civile de patrimoine se méritent.

1 – Contre les blocages de l’indivision

L’indivision, le plus souvent après une succession, est un véritable casse-tête. Les décisions relatives à la conservation des biens, c’est-à-dire pour les immeubles, leur entretien, et pour un portefeuille de titres, celles concernant notamment le paiement des dividendes en espèces ou par remise d’actions, peuvent être prises par un seul indivisaire. Mais toutes les autres exigent les deux tiers des droits indivis, voire l’unanimité. Ces règles sont à l’origine de blocages incessants dès lors que les indivisaires ne sont pas d’accord et c’est le juge qui doit trancher, la plupart du temps en décidant de la vente des biens et du partage des sommes entre les indivisaires. Certes, pour ne pas en arriver là, ces derniers peuvent se contenter de signer une convention dans laquelle ils donnent de larges pouvoirs de gestion à l’un d’eux. Mais cet acte, conclu pour une durée maximale de cinq ans, n’a pas la pérennité d’un contrat de société.

Dans une société civile, l’étendue et les limites des pouvoirs du gérant sont définis dans les statuts, par exemple sous la forme d’une autorisation des autres associés pour des opérations importantes. De plus, vous pouvez prévoir différentes majorités selon le type de décisions à prendre : majorité simple (50 % des parts plus une) pour les actes courants, majorité des deux tiers ou de 75 % pour des actes de cession d’actifs. Enfin, et surtout, la société civile permet d’écarter la règle de l’article 815 du Code civil. Lequel stipule que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué ». Ainsi, à tout moment et pour tout motif, un indivisaire peut demander à sortir de l’indivision et récupérer « ses billes », à charge pour les autres de racheter sa part. S’ils ne peuvent pas, il faut tout vendre. Évidemment, dans une société civile, le risque de dissolution judiciaire et de partage existe, mais seulement, selon l’article 1844-7-5° du Code civil, pour « justes motifs ». L’associé sortant doit démontrer en justice que le motif invoqué à l’appui de sa requête présente un caractère de gravité justifiant qu’il soit mis fin à la société. Or, les décisions des tribunaux montrent que les juges ne prononcent la dissolution qu’en cas de paralysie totale de la société civile. Ce que, justement, des statuts rédigés comme de la dentelle permettent dans une large mesure d’éviter !

2 – Un outil souple pour les couples

Se marier, c’est bien joli, mais vous êtes obligatoirement soumis à un régime juridique précis. Sans contrat, c’est celui de la communauté réduite aux acquêts. Avec contrat, c’est couramment la séparation des biens qui est adoptée. Dans ces deux situations, les époux n’ont aucun droit de regard sur les biens propres de l’autre. Ce qui est un réel inconvénient quand l’essentiel du patrimoine est détenu par l’un d’entre eux. Le meilleur moyen d’aménager le régime applicable à ses biens sans avoir à changer de régime matrimonial consiste à créer une société civile.

Par exemple, si vous êtes seul propriétaire d’appartements locatifs, l’apport en société civile permet d’en soumettre la gestion aux règles que vous décidez vous-même de fixer. Vous et votre conjoint serez associés et désignés comme cogérants. Ainsi, celui qui n’était pas propriétaire des biens aura sur eux un droit de regard délimité par les statuts. A l’inverse, des époux mariés sous le régime de la communauté peuvent tout à fait attribuer à un seul les pouvoirs sur des biens communs, tel un important portefeuille-titres nécessitant des arbitrages permanents. La mise en société de ces actifs et la désignation comme gérant d’un seul époux faciliteront grandement une gestion plus dynamique.

Quant aux concubins, la société civile est indispensable pour l’acquisition de leur résidence principale. Lorsqu’ils l’achètent en direct, ils sont en indivision. Au décès de l’un d’eux, s’il a des héritiers issus d’un premier mariage, le survivant se trouve cette fois en indivision avec eux et risque d’être confronté à de graves problèmes si ces derniers lui sont hostiles. Ils peuvent l’obliger à vendre le logement dont il ne détient qu’une partie. Et si, par testament, le défunt a légué ses droits sur le bien au survivant, celui-ci paiera un impôt sur la succession au taux de 60 % après un abattement ridicule de 1 594 euros. Il faut donc acheter le logement par le biais d’une société civile immobilière et organiser un démembrement croisé de propriété des parts. En supposant que les apports de chacun sont égaux, un concubin détiendra sur un capital divisé en 40 parts les titres 1 à 20 en nue-propriété, et l’usufruit des parts 20 à 40, alors que son alter ego aura l’usufruit des titres 1 à 20, et la nue-propriété des parts 20 à 40. Au premier décès, le survivant aura la moitié de la pleine propriété des titres et conservera l’usufruit de l’autre moitié. Il gardera ainsi le contrôle sur l’immeuble et n’aura pas de droits de succession à verser puisque la récupération de l’usufruit du défunt n’est pas imposable.

3 – Pour transmettre le patrimoine familial

La détention d’une partie de votre patrimoine par le biais d’une société civile est un outil idéal pour optimiser juridiquement et fiscalement une transmission de son vivant. Dans ce schéma, ce sont les parts de la société qui font l’objet d’une donation. Et ce fait change bien des choses. En premier lieu, si les donateurs souhaitent garder le contrôle des biens transmis. S’ils donnent directement les biens, leur usufruit se limitera concrètement pour un immeuble au droit de l’occuper et de le louer, mais ils ne pourront pas le vendre sans l’accord des nus-propriétaires.

En mettant les biens locatifs en société civile immobilière (SCI) et en transmettant les parts en nue-propriété à leurs enfants, les parents adaptent très librement les statuts en fonction du droit de regard qu’ils préfèrent conserver sur les actifs. Ils ont ainsi tout loisir de s’assurer une totale maîtrise de leur gestion et des revenus qu’ils peuvent en tirer, notamment de décider que les usufruitiers gérants ont la liberté de vendre et d’acheter les logements sans en référer aux enfants nus-propriétaires.

Ensuite, c’est surtout fiscalement que la donation des parts présente de nombreux avantages. Reprenant la jurisprudence, le fisc admet que par rapport à un bien détenu directement, le prix des parts est toujours inférieur à la valeur vénale des actifs divisée par le nombre de parts. Pour les tribunaux, dans une société à caractère familial, la décote est au minimum de 10 %. Autrement dit, au lieu de donner un bien valant 100, vous transférez des titres représentatifs de ce bien valant 90.

De plus, la société civile permet de profiter au mieux des abattements réservés à vos proches tous les quinze ans, 100 000 euros pour les enfants et 31 865 euros pour les petits-enfants. Pour un patrimoine immobilier, l’intérêt est grand (voir infographie). Il est, en effet, impossible de prévoir plusieurs transmissions d’un même immeuble en le « saucissonnant » en plusieurs tranches correspondant aux abattements applicables, autrement dit en divisant la valeur de l’immeuble.

Avec des parts de société civile, c’est différent. On peut espacer les donations de titres sur le long terme afin d’utiliser au mieux les abattements renouvelables tous les quinze ans. On peut même réduire à néant les droits exigibles et ce, sans que le fisc puisse remettre en cause ces transmissions successives.

3 bonnes occasions de créer une SCI

MVVA

Il est aussi possible de donner en plusieurs fois des parts de sociétés civiles de gestion de patrimoine mobilier en jouant sur les abattements. Si les donataires cèdent les titres peu de temps après la donation, ils seront peu taxés, voire ne seront pas du tout taxés sur les plus-values. Celles-ci sont, en effet, égales au prix de vente diminué du prix d’acquisition qui correspond à la valeur mentionnée dans la donation. Pour ce type d’opérations, il convient cependant d’agir avec prudence, le fisc pouvant, par exemple, invoquer l’abus de droit si les donataires reversent même une partie infime du prix de vente des titres aux donateurs.