Paris – La manifestation-surprise de centaines de policiers, en pleine nuit à Paris, pour exprimer leur ras-le-bol, a poussé mardi les autorités à adresser un ferme rappel à l’ordre à ces agents, même si elles ont dit comprendre leur « exaspération ».
« Défiler avec des voitures de police et des gyrophares (…) n’est pas conforme à ce qu’est la déontologie de la police dans la République« , a lancé mardi au Sénat le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. « Ils manifestent une exaspération que je comprends« , a-t-il toutefois ajouté.
La « police des polices » (IGPN) va enquêter sur « les manquements individuels aux règles statutaires » après cette manifestation sur les Champs-Élysées, a annoncé le directeur général de la police nationale Jean-Marc Falcone. Les manifestants « fragilisent la police nationale » ainsi que « chaque policier« , a-t-il asséné.
De son côté, après avoir rappelé mardi matin aux policiers leur « devoir de réserve et de loyauté« , le préfet de police de Paris Michel Cadot s’est adressé plus personnellement dans l’après-midi à ses troupes, dans un autre message.
S’il demande « instamment de respecter les règles« , il dit aussi partager « l’indignation« , « l’émotion« , « la peine » des policiers « face à ces agressions intolérables« .
Des SMS avaient circulé lundi en fin d’après-midi annonçant la formation d’un cortège depuis l’Essonne vers l’hôpital Saint-Louis, à Paris. « Face à une hiérarchie carriériste, des élites syndicales enlisées dans leurs conflits, et une justice complètement désintéressée par notre sort, nous devons nous souder. Entre bleus« , était-il écrit.
A minuit et demi, selon une source policière, « ils étaient environ 400 dont un large contingent venu » de l’Essonne devant l’établissement parisien où est hospitalisé un adjoint de sécurité de 28 ans. Cet agent a été très grièvement brûlé aux mains et au visage après l’attaque au cocktail Molotov de son véhicule à Viry-Châtillon.
– Tags antipolice –
Vers 01H00, le cortège s’est dirigé vers les Champs-Élysées. En tenue civile, gyrophares allumés, ils ont perturbé pendant plus d’une demi-heure la circulation autour de l’Arc de Triomphe, avant de se disperser. « Nous sommes à bout« , a lâché l’un d’eux.
« On s’est organisé nous-mêmes, par les réseaux sociaux et le bouche à oreille« , a expliqué à l’AFP une source policière. Des rassemblements avaient déjà eu lieu en Essonne les jours précédents, selon une source policière.
« On peut comprendre le ras-le-bol des policiers qui exercent dans ces quartiers et ne voient pas depuis des années les décisions politiques faire changer la situation sur le terrain« , a réagi Christophe Rouget du syndicat SCSI, qui avait appelé le 11 octobre à manifester devant les commissariats en solidarité avec leurs collègues attaqués dans l’Essonne.
Le Premier ministre Manuel Valls a réaffirmé le soutien du gouvernement abondamment exprimé après l’attaque du 8 octobre à Viry-Châtillon et promis de « poursuivre sans relâche ceux qui s’en prennent à nos professeurs, nos écoles, nos forces de l’ordre » après une série d’agressions, principalement en banlieue parisienne.
Les chefs de file des députés LR et UDI, Christian Jacob et Philippe Vigier, ont estimé que la manifestation était un signe de « ras-le-bol » et de « désespoir« , l’élu centriste évoquant une société « au bord de l’embrasement« . Le Front national a également apporté son « total soutien » aux policiers qui ont manifesté durant la nuit.
Les forces de l’ordre ont également fait face ces derniers jours à un guet-apens dans le quartier sensible du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie (Yvelines). Une manifestation de soutien à de jeunes nationalistes corses a aussi violemment dégénéré à Bastia, plusieurs dizaines de personnes jetant des cocktails Molotov sur les forces de l’ordre.
Des tags antipolice ont aussi échauffé récemment les esprits. Mardi, une enquête a été ouverte après la découverte d’un nouveau tag sur le campus de l’université Paris VI Pierre-et-Marie-Curie à Paris, une semaine après d’autres tags « antiflics » à l’intérieur de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne.