Le projet de loi de réforme du code du travail est connu. Temps de travail, prud’hommes, licenciement… voici les changements majeurs qui se profilent.
Le projet de loi porté par Myriam El Khomri sera présenté le 9 mars en Conseil des ministres. Mais le 17 février, le document a fuité dans la presse. Ce n’est pas une petite réforme, qui se prépare. Le droit du licenciement et celui du temps de travail sont fortement remaniés. Alors que les syndicats et surtout la gauche de la gauche crient leur opposition, la ministre du Travail prétend pourtant que le texte « préserve les droits des salariés ». Elle affirmait hier que le gouvernement n’hésiterait pas à faire jouer le 49.3 pour le faire passer en force. Un petit air de déjà-vu… que l’Elysée ne souhaite pas à nouveau entendre. Ce vendredi matin, l’entourage du chef de l’Etat a démenti ce recours au passage en force, affirmant qu’il voulait « laisser une chance au débat ».
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1. Les indemnités aux prud’hommes fortement plafonnées
En cas de licenciement abusif, l’employeur condamné aux prud’hommes doit verser au salarié des indemnités. Celles-ci seraient plafonnées selon le barème suivant (applicable quel que soit la taille de l’entreprise) :
- trois mois de salaire pour un salarié avec une ancienneté inférieure à deux ans,
- six mois de salaire pour une ancienneté d’au moins deux ans et de moins de cinq ans,
- neuf mois de salaire pour une ancienneté d’au moins cinq ans et de moins de dix ans,
- douze mois de salaire pour une ancienneté d’au moins dix ans et de moins de vingt ans,
- et quinze mois de salaire pour une ancienneté d’au moins vingt ans.
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2. Les causes de licenciement économique modifiées
Pour limiter au maximum l’interprétation du juge aux prud’hommes, quand il étudie la validité du motif économique du licenciement, serait désormais inscrit clairement dans la loi qu’un licenciement économique peut être consécutif:
- à la cessation d’activité de l’entreprise,
- à des mutations technologiques,
- à une « réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité »,
- ou à « des difficultés économiques caractérisées soit par une baisse de commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente, soit par des pertes d’exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés ».
Un accord de collectif de branche fixerait la durée de la baisse de commandes ou du chiffre d’affaires en question (pas en-dessous de deux trimestres consécutifs, toutefois) ou des pertes d’exploitation (sans aller en-dessous d’un trimestre).
En cas d’absence d’accord de branche, ces durées seraient respectivement de quatre trimestres consécutifs (pour la baisse de CA), et un semestre (pour les pertes d’exploitation).
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3. La rémunération des heures supplémentaires remaniée
La durée hebdomadaire légale du travail resterait de 35 heures. Toute heure supplémentaire au-delà devrait être rémunérée selon un taux majoré.
Les entreprises pourraient fixer par accord collectif un ce taux de majoration. Il pourrait être inférieur au taux fixé par la branche, mais ne pourrait en aucun cas être en dessous de 10%. En l’absence d’accord collectif, les taux légaux actuels s’appliqueraient : 25% pour les huit premières heures, 50% au-delà.
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4. La conclusion de forfaits jour sans accord collectif rendue possible
Le forfait-jour est un régime dérogatoire aux 35 heures qui permet de rémunérer des salariés en fonction du nombre de jours travaillés par an et non d’horaires hebdomadaires. Il serait désormais possible pour les PME de moins de cinquante salariés de passer des conventions de forfait individuelles (en jours ou en heures). L’accord du salarié sera bien sûr nécessaire.
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5. Des accords de maintien dans l’emploi « offensifs » créés
Une entreprise en bonne santé aurait le droit de passer un accord collectif « conclu en vue de la préservation ou du développement de l’emploi » – par exemple pour honorer une nouvelle commande – et de l’imposer aux salariés, à condition que cela ne baisse pas leur rémunération. L’accord prévaudrait donc sur leur contrat de travail. Le salarié qui refuserait de travailler plus serait licencié (il s’agirait d’un licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, et non d’un licenciement économique).
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6. Des accords d’entreprise soumis à référendum
Les accords collectifs devront être majoritaires. Mais afin d’éviter des situations de blocage, des syndicats représentant au moins 30% » des salariés pourront demander une consultation des salariés. Et un accord sera « valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ». Actuellement, pour qu’un accord soit valide il doit recueillir soit la signature de syndicats ayant recueilli au moins 30% des voix aux dernières élections professionnelles, et ne pas susciter l’opposition de syndicats ayant recueilli 50% des voix aux dernières élections.
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7. Le Compte Personnel d’Activité instauré
Visant à sécuriser le parcours professionnel des individus et présenté par François Hollande comme la grande réforme sociale du quinquennat, le compte personnel d’activité serait ouvert à toute personne âgée d’au moins 16 ans, occupant un emploi ou à la recherche d’un emploi. Il serait pour l’instant constitué « du compte personnel de formation (CPF) et du compte personnel de prévention de la pénibilité ».
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8. Des accords type de branche pour les PME encouragés
Les entreprises de moins de cinquante salariés, ayant du mal à passer des accords collectifs en l’absence d’institutions représentatives du personnel, pourraient appliquer en leur sein des accords type concoctés au niveau des branches, à leur intention. L’employeur pourrait « appliquer (ces) accords type à travers un document unilatéral indiquant les stipulations (qu’il aurait) retenu ».
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9. Le soutien de l’administration aux PME en matière de droit du travail garanti
Tout employeur d’une entreprise de moins de 300 salariés aurait « le droit d’obtenir une information personnalisée et délivrée dans des délais raisonnables lorsqu’il sollicite l’administration » sur une question relative au code du travail ou aux conventions collectives dont il dépend.
10. Un contrat de professionnalisation « sans contraintes » mis sur pied
Comme le voulait le Medef, à titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2017, des contrats de professionnalisation très souples pourraient être conclus entre des entreprises et des demandeurs d’emploi, « notamment les moins qualifiés et les plus éloignés du marché du travail ». Ces personnes en contrats pro pourraient acquérir dans l’entreprise des compétences professionnelles ne correspondant pas forcément à une formation enregistrée au répertoire national des certifications professionnelle, ou reconnue dans les classifications d’une convention collective nationale de branche ou ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle de branche ou interbranche.
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Autres mesures…
Le projet de loi, d’environ 130 pages, comporte une foule d’autres mesures, relatives à la restructuration des branches, à des nouvelles règles pour la représentativité patronale, aux moyens alloués aux délégués syndicaux et à la formation des salariés mandatés, aux plateformes collaboratives, au droit à la déconnexion, au renforcement de l’apprentissage, à l’inspection et à la médecine du travail, etc. A suivre.