[Exclusif] Le très médiatique physicien s’est livré à des plagiats d’écrivains célèbres dans son nouveau succès de librairie consacré à Einstein. Il a aussi pratiqué les emprunts dans ses chroniques. Révélations.
[Exclusif] Les Français l’adorent. Il est peut-être aujourd’hui le scientifique le plus médiatique de notre pays. Avec sa manière bien à lui de raconter les grandes énigmes de l’univers, que cela soit dans ses chroniques sur France Culture ou dans ses ouvrages grand public, le physicien Etienne Klein a de nombreux fans, au premier rang desquels Françoise Hardy ou le comédien Alexandre Astier.
Consécration, le 26 septembre dernier, par un décret de François Hollande, il a été nommé président de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST), organisme chargé de réfléchir à la place de la science dans notre société. Ses livres, publiés dans la prestigieuse collection Champs-Flammarion, s’écoulent jusqu’à 45000 exemplaires. Le secret de ce virevoltant directeur de recherche au Commissariat à l’énergie atomique? Une manière pédagogique et humoristique de brasser les paradoxes à coups de formules brillantes.
De simples copier-coller
Prenons par exemple la dernière page du Pays qu’habitait Albert Einstein (Actes Sud), paru le mois dernier et qui figure dans le top 30 des ventes de L’Express. Voici ce qu’on y lit: « L’excitation médiatique, l’hédonisme institué en règle de vie, l’eschatologie consumériste de notre société ne conjuguent-ils pas leurs échappements délétères pour anesthésier notre sensation d’un ciel? Où sont les hauteurs vers lesquelles lever les yeux? »
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Du pur Etienne Klein, serait-on tenté de dire. Sauf que ce paragraphe a été recopié mot pour mot sur un texte de François Cassingena-Trévedy intitulé Effet de serre, paru en mars 2015 dans la très sérieuse revue des jésuites Etudes. Une revue qu’Etienne Klein connaît bien, puisqu’il y contribue régulièrement et qu’il en est le « conseiller ». En bon français, un tel emprunt ne s’appelle-t-il pas un plagiat?
De nombreux autres passages de sa biographie d’Einstein sont de simples copier-coller d’auteurs souvent célèbres. Etrangement, ce sont les passages les plus personnels, les plus littéraires, ceux où Etienne Klein se met lui-même en scène, ceux qui, précisément font le bonheur du lecteur, qui, souvent, ne sont pas de sa plume. Page 89, le physicien raconte ainsi son séjour à Berne, sur les traces de l’inventeur de la théorie de la relativité, et évoque joliment un ciel bleu « miroir sans tain d’une infinie transparence ». La formule est de Gaston Bachelard, dans L’Air et les songes.
Des plagiats sans guillemet ni référence
Le physicien poursuit: « L’étonnement, ce n’est pas que les choses soient: c’est qu’elles soient telles, et non telles autres. » Cette fois-ci, la phrase est de Paul Valéry, dans son Introduction à la méthode de Léonard de Vinci. Et le physicien d’enchaîner : « La lumière est d’abord ce que m’apprennent d’elle mes yeux, ce qui me fait différent de l’aveugle, ce qui en elle est, d’un certain point de vue, matière à miracle. » Là, le passage est puisé dans Le Paysan de Paris, d’Aragon. Bref, cette page n’est qu’un assemblage de plagiats, sans le moindre guillemet ni la moindre référence.
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Nous avons également repéré dans ce même ouvrage de nombreux passages « empruntés » à Zola, Zweig, Jacobson, Bachelard ou Philippe Claudel – un casting qui, au passage, dénote un certain goût littéraire… Dans d’autres de ses livres, ce sont Cioran ou Bertrand Russell. « C’est évidemment contraire à toutes les règles scientifiques et universitaires », commente un collègue du physicien, un peu estomaqué. Titulaire d’une habilitation à diriger des recherches (HDR), grade le plus élevé de l’université française, Étienne Klein n’est évidemment pas sans savoir que toute citation doit figurer entre guillemets et que ses références doivent être indiquées.
Parfois, la méthode est plus brutale: ce sont des paragraphes ou des pages entiers qui font l’objet de copier-coller. En 2015, le physicien participe ainsi au Dictionnaire de la pensée écologique, un ouvrage collectif de référence publié par les très sérieuses Presses universitaires de France (PUF). Il est chargé de l’entrée « Energie ». Des blocs entiers sont purement et simplement repris d’un article publié dix ans plus tôt par un autre chercheur, Roger Balian, dans L’Energie de demain. Une pratique d’autant plus risquée que, conformément à son habitude, Étienne Klein a recyclé ce même texte sous forme de chroniques (France Culture, La Croix) et de conférences.
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Il arrive même que cela soit quasiment tout le texte d’une chronique qui ne soit qu’un gigantesque copier-coller. Le 16 juin dernier, en plein Euro de football, Étienne Klein publie dans La Croix l’un de ces textes savoureux qui ont fait sa renommée: une explication scientifique de la trajectoire du ballon vers le but, intitulée « L’Art du coup franc ». Brillante démonstration. Sauf qu’elle est empruntée mot pour mot à l’ouvrage La Matière espace-temps, signé Gilles Cohen-Tannoudji et Michel Spiro, paru chez Fayard, en 1986, auteurs et source qui ne sont pas même mentionnés.
Parfois, dans certaines de ses chroniques pour France Culture ou La Croix, Étienne Klein utilise une autre technique: il cite discrètement une fois les références d’un article ou d’un livre, puis en recopie littéralement le contenu sur plusieurs paragraphes sans le moindre guillemet, de sorte qu’on a l’impression de lire du Étienne Klein là où il s’agit en réalité du texte d’un autre.
Les institutions universitaires touchées par ricochet
« C’est un peu comme si un auteur écrivant sur le peuple citait le nom de Victor Hugo au début, puis s’appropriait sans le signaler une page des Misérables! » s’étonne un spécialiste. Dans son ouvrage Le Monde selon Klein, le texte Histoires d’eau est ainsi en grande partie fidèlement recopié sur un article d’Yves Couder, chercheur au CNRS. Ici ou là, le physicien intercale au texte original l’une de ses petites pirouettes, pour donner à l’ensemble la « patte Étienne Klein ».
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Il faut bien le dire, par leur fréquence, ces plagiats s’apparentent à un dangereux système. Le physicien s’en explique dans nos colonnes, même si ses arguments ne convaincront sans doute pas tout le monde.
Mais, par ricochet, ces emprunts atteignent des institutions universitaires (Étienne Klein est enseignant à l’Ecole centrale), des médias de référence (il anime une émission chaque samedi sur France Culture, La Conversation scientifique), des éditeurs prestigieux (Actes Sud, la collection Champs-Flammarion), sans parler de la myriade de prix et de décorations que le physicien a reçus. Comment toutes ces institutions réagiront-elles?
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