Lors du grand débat à onze candidats, Emmanuel Macron a été le seul à se prononcer pour un maintien de la directive européenne sur les travailleurs détachés. Avec des arguments quelquefois fragiles.
Ils mettent le feu à l’Europe. Les travailleurs détachés, payés au minimum légal du pays d’accueil mais cotisants dans leur pays d’origine, ont donné aux participants du débat présidentiel sur BFMTV l’occasion d’afficher leurs divergences sur le sujet, de critiquer les traités existants, voire de plaider pour une sortie pure et simple de l’UE.
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Face à eux, Emmanuel Macron, seul candidat à ne pas remettre en cause la directive de 1996 qui organise le détachement. Le sujet est d’importance: la France est un des pays qui en accueille le plus -avec près de 300 000 travailleurs détachés en 2015, un bond de 25% par rapport à 2014- ce qui n’a pas empêché les imprécisions des uns et des autres.
« Supprimer » la directive? Simpliste
« Je supprimerai la directive travailleurs détachés », a attaqué Nicolas Dupont-Aignan. Seulement voilà, comme fait remarquer François Asselineau, il faudrait pour cela sortir de l’Union européenne, car les pays de l’Est, principaux pourvoyeurs des travailleurs détachés, n’accepteraient jamais cette initiative. Autre problème, relevé dans Libération: une suppression pure et simple de la directive n’empêcherait pas qu’un travailleur étranger cotise dans son pays d’origine, car c’est dans un autre texte, français, qu’est inscrit ce principe: le règlement sur la Sécurité sociale de 2004. Par contre, rien n’interdirait plus qu’il soit payé en dessous des minima, comme c’était possible avant 1996… Pas vraiment une avancée.
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Jean-Luc Mélenchon a proposé de son côté une solution simple: il ne veut « plus de travailleurs détachés » en France, car il s’oppose au principe des charges sociales payées dans le pays d’origine, qui rend ces derniers moins chers que les salariés français. Contre-attaque du candidat d’En Marche!: les salariés français détachés en Europe doivent-ils perdre leur emploi? « Vous irez leur dire que, demain, c’est fini pour eux! », a-t-il sermonné. Ils seraient au nombre de 300 000, selon lui.
« 300 000 » détachés français? Exagéré
Autant sa remarque est pertinente, puisqu’elle rappelle que l’Europe offre aussi des perspectives, autant son estimation est fausse. Les Français sont bien parmi le premier contingent de travailleurs détachés en Europe mais ils n’étaient que 136 000 en 2012, selon un rapport parlementaire du député PS Gilles Savary et 125 000 selon un rapport de 2014. Des chiffres qui ont peu de raison d’avoir beaucoup varié depuis. Emmanuel Macron a confondu soit avec le chiffre total des salariés français détachés dans le monde, soit avec celui des travailleurs frontaliers.
Une inexactitude que se plaît à souligner Jean-Luc Mélenchon: « Les travailleurs frontaliers ne sont pas tous détachés. » Différence notable: les frontaliers, employés par une entreprise étrangères, payent leurs charges sociales dans le pays de cette dernière. Jean-Luc Mélenchon souligne toutefois ce paradoxe gênant: « 10% des salariés détachés français travaillent en France. »
Le « travail illégal », seul problème? Faux
C’est peut-être même en dessous de la vérité. Des agences d’intérim luxembourgeoises, notamment, se sont fait une spécialité d’employer des Français travaillant en France pour le compte d’entreprises françaises. Selon Gilles Savary cité par Marianne, ces faux détachés seraient 18 000 à 19 000. Grande perdante, la Sécurité sociale. La situation a été dénoncée dans un rapport du Sénat en 2013 et par la Cour des comptes en 2014.
Le système est-il frauduleux en lui-même, comme le soutient le candidat de la France insoumise? « Le problème, c’est le travail détaché illégal », a avancé Emmanuel Macron. D’après le rapport du Sénat, il pourrait y avoir jusque 300 000 travailleurs détachés non déclarés en France. Emmanuel Macron a rappelé qu’une nouvelle directive de 2014 permettait de renforcer les contrôles, et qu’en 2015 la loi qui porte son nom avait rendu obligatoire une carte d’identité professionnelle sur les chantiers.
« L’harmonisation sociale », meilleure solution? Vrai
« Trop facile », a taclé Mélenchon, pour qui le véritable problème est le dumping social entre les pays. Là encore, il a plutôt raison. En effet, la France fait le forcing pour obtenir une révision du texte de 1996, en y introduisant notamment le principe « à travail égal, salaire égal. » Car être payé au minimum légal ne signifie pas être payé autant qu’un ouvrier français, ni bénéficier de ses primes éventuelles. Par ailleurs, alors qu’il semble difficile de remettre en cause le paiement des charges sociales dans le pays d’origine, car cela entraînerait des complications administratives entre chaque pays, le texte permet au détachement de durer jusqu’à deux ans [Il existe donc bien une durée maximale théorique, contrairement à ce qu’affirmait une première version de l’article].
« Je veux réformer la directive par une harmonisation sociale », a reconnu Emmanuel Macron. Effectivement, si les cotisations sociales étaient les mêmes partout en Europe, seules les compétences seraient prises en compte pour le recours aux travailleurs détachés. Mais c’est un travail de très longue haleine, qui n’est même pas encore programmé par l’Europe.
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