Genève – Les dirigeants des deux communautés chypriotes, soutenus par la Turquie, la Grèce et la Grande-Bretagne, se sont engagés à poursuivre leurs efforts afin de réunifier l’île divisée depuis 42 ans, lors d’une réunion organisée par l’ONU à Genève qui s’est achevée tôt vendredi matin.
« Nous sommes très proches d’un règlement« , s’est félicité le nouveau secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, qui présidait cette conférence « historique » destinée à mettre fin à l’un des plus vieux conflits politiques au monde.
Mais il a appelé à la patience. « Vous ne pouvez pas attendre des miracles (…) Il va falloir être patient. Nous ne cherchons pas un bricolage rapide, nous cherchons une solution solide et durable pour Chypre« , a-t-il dit.
Les travaux de la conférence, chargés de garantir la sécurité d’un futur Etat fédéral de Chypre, vont se poursuivre à un niveau « technique« , après le départ vendredi des hauts responsables et des ministres, a-t-on appris auprès de l’ONU.
Chypre, qui compte environ un million d’habitants, est divisée depuis 1974, lorsque l’armée turque a envahi la partie nord de l’île en réaction à un coup d’Etat de Chypriotes grecs qui visait à rattacher le pays à la « Grèce des colonels » et suscitait une vive inquiétude de la minorité chypriote turque. La partition a provoqué le déplacement de dizaines de milliers de Chypriotes.
Avant la tenue de la conférence de l’ONU, le président chypriote grec Nicos Anastasiades et le dirigeant chypriote turc Mustafa Akinci ont pendant trois jours discuté âprement à Genève, sous l’égide du médiateur de l’ONU Espen Barth Eide, des « questions intérieures« , telles que le découpage territorial entre les deux communautés, la restitution des propriétés spoliées ou le partage de la gouvernance.
Jeudi, la conférence, inédite dans son format multilatéral, a réuni les deux dirigeants chypriotes et les trois « garants » actuels de Chypre: Grèce, Turquie et Grande-Bretagne, l’ex-puissance coloniale.
M. Guterres, dont c’était le premier déplacement à l’étranger depuis qu’il a succédé le 1er janvier à Ban Ki-Moon, avait souhaité apporter son soutien aux pourparlers de paix engagés depuis mai 2015.
– « Réels progrès » –
Les ministres des Affaires étrangères grec Nikos Kotzias, turc Mevlut Cavusoglu et britannique Boris Johnson avaient fait le déplacement, ainsi que le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini.
La République de Chypre (dont l’autorité ne s’exerce que sur la partie sud de l’île) est en effet membre de l’Union européenne depuis 2004.
Les Chypriotes turcs habitent eux dans la République turque de Chypre du Nord (RTCN), qui occupe actuellement entre 36 et 37% de l’île et n’est reconnue que par Ankara.
A l’issue de la première journée de la conférence, l’ONU a publié un communiqué indiquant que « les participants ont reconnu qu’il est temps que les négociations se concluent (…). C’est une opportunité historique qu’il ne faut pas rater« .
Pour sa part, Boris Johnson a qualifié de « réels progrès » les résultats obtenus.
« Avec un engagement continu et une volonté politique, je pense qu’un accord historique est à portée de main« , a affirmé dans un communiqué le ministre britannique.
– Présence militaire –
Depuis la crise de 1974, des Casques bleus de l’ONU contrôlent la « ligne verte« , une zone tampon démilitarisée séparant les deux communautés.
Dans la perspective de création d’un futur Etat fédéral, l’ONU et les pays garants doivent apporter des assurances en matière de sécurité.
Le président chypriote-grec, soutenu par Athènes, réclame le départ des quelque 30.000 soldats turcs stationnés dans la partie nord de l’île, mais le dirigeant chypriote-turc, appuyé par Ankara, souhaite leur maintien pour protéger sa communauté.
Parlant jeudi à la presse, le ministre grec des Affaires étrangères a réaffirmé que la Grèce voulait la fin du régime des garanties et « le départ de l’armée » turque.
La Grande-Bretagne possède également des bases militaires dans la partie sud de l’île. Londres a offert de restituer 49% (117 km2) du territoire occupé par ses bases en cas de règlement de la crise.