Essai thérapeutique mortel: « Le laboratoire cache-t-il quelque chose? »

Dans une interview au Parisien, le frère du volontaire mort lors d’un essai clinique à Rennes exprime ses doutes et exige des réponses du laboratoire. « Comment est-il possible d’autoriser l’administration de doses aussi élevées? », s’interroge-t-il. La famille a porté plainte.

« Mon feeling me disait que ce n’était pas bon. » Voilà ce qu’a ressenti Laurent Molinet lorsque son frère, Guillaume, lui a annoncé qu’il allait participer au test d’une molécule à visée antalgique. Quelques jours plus tard, ce dernier est déclaré en état de mort cérébrale. Dans une interview au Parisien publiée ce vendredi, le frère de la principale victime de l’essai thérapeutique mortel à Rennes, qui a aussi entraîné l’hospitalisation de cinq autres volontaires, annonce que lui et ses proches ont déposé plainte contre X au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris.

Deux mois après l’accident clinique, la famille -Guillaume Molinet avait une compagne et quatre enfants- est toujours tourmentée par les interrogations. Selon les premiers éléments, c’est la molécule, mise au point par le laboratoire portugais Bial et testée par le centre de recherches rennais Biotrial, qui est en cause. Celle-ci était censée apaiser la douleur et l’anxiété, en agissant sur les récepteurs cannabinoïdes, mais a provoqué de graves lésions cérébrales chez les patients. Mortelles, dans le cas de Guillaume.

« Il devait être un joker »

« On veut savoir ce qui s’est passé. Le laboratoire Bial cache-t-il des choses? Comment est-il possible d’autoriser l’administration de doses aussi élevées? », s’interroge Laurent Molinet. Des experts mandatés afin de la lumière sur le drame ont en effet jugé « problématique » l’augmentation brutale des doses administrées à la cohorte de patients. Selon eux, il aurait fallu une progression plus « raisonnable ». D’autant que des animaux sont morts lors des essais précliniques.

Le laboratoire de recherche Biotrial a mis au point l'essai clinique pour le compte du laboratoire Bial.

Le laboratoire de recherche Biotrial a mis au point l’essai clinique pour le compte du laboratoire Bial.

afp.com/LOIC VENANCE

Selon le frère de la victime, celui-ci était en « excellente santé ». Bien qu’étant le volontaire le plus âgé de la cohorte, 49 ans, il a été « déclaré apte ». « Au départ, Guillaume m’a expliqué qu’il devait être remplaçant, ou un joker dans cet essai clinique, en réserve d’une cohorte de six personnes qui allaient prendre le médicament. Mais ils ont passé des examens médicaux et un des titulaires a été recalé », raconte Laurent Molinet, qui assure que son frère était confiant.

Une hospitalisation tardive?

Reste une question, à laquelle l’enquête n’a pas encore répondu: pourquoi Guillaume est-il le seul patient à être décédé? La manière dont la molécule agit sur le cerveau n’est pas encore claire. Mais dans leur rapport, les experts se demandent si celle-ci n’aurait pas des effets plus dévastateurs si le patient consommait du cannabis, ou si celui-ci n’a pas déjà eu un choc traumatique dans le passé. « Il avait arrêté [de fumer] depuis plusieurs années », rétorque son frère. Quant à son traumatisme crânien, il assure qu’il date de quand Guillaume avait « six ans » et que ça n’a donc « rien à voir ».

Jeudi soir, document à l’appui, Le Figaro a révélé que la victime présentait des symptômes neurologiques graves dès le matin de son hospitalisation: troubles de la vue, difficultés à articuler… Or, le laboratoire rennais Biotrial a toujours assuré que ses troubles étaient « mineurs » à ce moment-là, ce qui expliquerait pourquoi l’essai s’est poursuivi avec les autres volontaires le lendemain. Le quotidien se demande si ces symptômes n’auraient pas dû alerter le centre et si celui-ci n’aurait pas dû hospitaliser Guillaume Molinet plus tôt, pris en charge seulement dans la soirée.

Le parquet attend les résultats d’expertises

Lors d’une conférence de presse à Paris, ce vendredi, l’avocat de la famille Jean-Christophe Coubris s’en est remis au parquet, en qui il a « toute confiance ». Mais il a souhaité qu’une information judiciaire soit confiée à des juges d’instruction, pour avoir accès au dossier, ce qui n’est pas le cas lors de l’enquête préliminaire. Le parquet a dit vendredi à l’AFP attendre les résultats d’expertises médicales « en cours » pour « envisager les suites et le cadre procédural le plus approprié ».