Karim, frère d’un kamikaze du Bataclan, veut être jugé « sans amalgame »

Sept hommes sont jugés jusqu’à vendredi au tribunal correctionnel de Paris pour association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme. L’un d’eux, frère du kamikaze du Bataclan Foued Mohamed Aggad, au centre de l’attention, a estimé qu’il n’avait pas « choisi sa famille ».

Il a demandé à prendre la parole avant l’ouverture des débats. Barbe longue et fournie, cheveux mi-longs rabattus vers l’arrière, Karim Mohamed Aggad s’est approché du micro, l’a attrapé d’une main et a déroulé d’une traite:

« Je souhaiterais revenir sur les attentats qui ont été perpétrés le 13 novembre. (Se tournant vers les autres prévenus) Moi et mes collègues, nous n’avons aucune responsabilité dans ce qu’il s’est passé. On est tous fans de foot. On regardait tous le match France-Allemagne. On choisit ses amis, pas sa famille. On veut pas être assimilés à ces faits-là. On voudrait avoir le droit à un procès équitable, qu’il n’y ait pas d’amalgame. »

Il n’a pas prononcé son nom, il n’en a pas eu besoin. L’ombre de son petit frère, Foued Mohamed Aggad, plane lundi sur la 16e chambre correctionnelle du tribunal correctionnel de Paris bien qu’il ne soit pas là. Le 13 novembre, il s’est fait exploser au Bataclan après avoir commis un massacre dans la salle de concert. Karim Mohamed Aggad a préféré prendre les devants et se désolidariser de son kamikaze de frère.

« Le mot terrorisme émoustille tout le monde »

Deux frères, deux destins? Karim et Foued ont tous deux rejoint la Syrie à quelques jours d’intervalle en décembre 2013, sans prévenir leurs proches. Ils ont fait le voyage avec huit autres personnes, des amis de Strasbourg, liés par « le foot et la chicha », selon la formule de l’un d’eux. Autre fratrie de la bande, Mourad et Yacine Boudjellal, sont morts sur place peu de temps après leur arrivée.

Foued Mohamed Aggad, lui, a laissé son aîné regagner seul l’Alsace. Du groupe initial de 10, seuls sept sont revenus finalement au bout de quatre mois. Ces sept mêmes hommes qui sont jugés jusqu’à vendredi au tribunal de Paris, poursuivis pour association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme.

« J’ai l’impression que le fait que le mot ‘terrorisme’ soit évoqué, ça émoustille et ça effraie tout le monde. Dans le cas des Strasbourgeois, il n’y a pas de victimes », commente maître Nogueras, avocat de Radouane Taher, l’un des prévenus.

« Combattre le régime de Bachar al-Assad »

« Ce n’est pas le procès du Bataclan », tonne de son côté Eric Plouvier, avocat de Miloud Maalmi, s’opposant à la constitution de partie civile de l’association française des victimes du terrorisme. Même la présidente a tenu à préciser que sept hommes étaient dans le box des accusés, et que, « dans ce dossier, il n’y a jamais eu d’autres prévenus et mis en cause que ceux-là ».

Karim Mohamed Aggad sourit et chuchote avec ses « collègues », visiblement à l’aise. Le jeune homme de 25 ans, détenu à Fleury-Mérogis assure avoir gagné la Syrie dans « un seul et même but »: « Combattre le régime de Bachar al-Assad ». Avant de rectifier et de préciser avoir voulu le « faire tomber ». A la présidente qui le reprend, rappelant que « les mots ont un sens », il reprécise qu’il était prêt « éventuellement à prendre les armes ».

Sur le reste, comme sur son frère, il n’en dira pas plus. Ses six co-prévenus ont été interrogés un à un. Lui s’est levé quand son tour est arrivé ce lundi soir, peu avant 19h. Mais la présidente du tribunal s’est ravisée devant l’heure tardive. Son interrogatoire de personnalité, très attendu, se déroule ce mardi.