Michael Flynn, le troublant général qui conseillait Donald Trump sur la sécurité

Le général Michael Flynn, nommé conseiller à la sécurité nationale par Donald Trump, est connu pour son obsession anti-islam et ses positions ambigües sur la torture et ses relations ambivalentes avec Erdogan et Poutine.

[Mise à jour du 14 février 2017: après avoir reconnu des contacts inappropriés avec la Russie, Michael Flynn a été contraint de démissionner de son poste de conseiller à la sécurité nationale. Voici le portrait que L’Express avait fait de cet ancien général quelques jours après la victoire de Donald Trump à la présidentielle.]

Un conseiller à la mesure de Donald Trump. « Le choix du général à la retraite Michael Flynn comme conseiller à la sécurité nationale du futur président ne surprend guère. Ce militaire atypique est aussi éclectique que Trump lui-même », avance Alexis Rapin, spécialiste des Etats-Unis à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Ses compétences dans le renseignement, en Irak et en Afghanistan, lui ont valu une promotion à la tête du service de renseignements militaires, sous l’administration Obama, en 2012. Mais cette mission a été écourtée deux ans plus tard. Le problème? Il s’est avéré piètre manager, selon ses détracteurs. Lui, prétend que ses désaccords sur la lutte anti-djihadiste, au moment où Barack Obama se flattait d’avoir éliminé Oussama Ben Laden, sont la cause de sa chute.

Ce militaire de 57 ans qui conseille Trump depuis le début de sa campagne est connu pour son franc-parler. Ses positions sur la torture sont des plus ambiguës: interrogé par Al Jazeera sur les déclarations de Trump en faveur du waterboarding et des représailles contre les familles de terroristes, il tergiverse: « Il faut tenir compte des circonstances », dit-il.

L’islam, ce « cancer »

Sa véritable boussole est le rejet de l’islam. « La peur de l’islam est rationnelle », tweete-t-il en février dernier.

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Flynn semble ne faire aucune distinction entre islam et djihadisme: « Nous avons un problème majeur, que personne ne veut reconnaître, à cause du politiquement correct: c’est l’islam. Cette religion est un problème. Je ne parle pas du monde musulman, mais de l’islam » confiait-il au Monde, en mai dernier. Il va jusqu’à qualifier cette religion de « cancer », devant le groupe islamophobe ACT! for America, dont il est conseiller. « L’islam est une idéologie » qui « se cache derrière son statut de religion » proclame-t-il devant la même assemblée, rapporte la chaîne conservatrice Fox News.

Au Proche-Orient, il déplore « les gouvernements défaillants »…

Ses positions en politique étrangère sont iconoclastes: « C’est un faucon, estime Alexis Rapin. Il croit en l’usage de la force, mais estime qu’il ne faut pas dilapider inutilement les ressources du pays ». Raison pour laquelle il fustige les néoconservateurs « qui nous ont conduit de bourbier en bourbier pour de mauvaises raisons ».

Flynn partage avec Trump, selon le quotidien Haaretz, la volonté de renforcer les relations avec Israël et plaide pour un soutien accru à l’autocrate Abdel Fattah al-Sissi, le tombeur des frères musulmans en Egypte.

… Mais soutient les autocrates

Le général attribue pourtant les problèmes du Moyen-Orient à « des gouvernements défaillants ». Mais lorsque le Monde lui demande si les Etats-Unis doivent jouer la carte de régimes stables, même s’ils sont dictatoriaux, il répond par l’affirmative.

Flynn est de ceux qui réclament la renégociation de l’accord sur le nucléaire iranien. Il dénonce la décision d’Obama de ne pas être intervenu en Syrie après l’utilisation d’armes chimiques, en 2013, alors que le président en avait fait une « ligne rouge ». « La décision de ne pas intervenir a été une erreur, elle nous a causé une grande perte de crédibilité, au Moyen-Orient et partout » dit-il.

Proximité avec le Kremlin

Sa proximité avec la Russie inquiète. Il prêche pour de meilleures relations avec le Kremlin afin de combattre les islamistes -tout en condamnant les tentatives d’immixtion de Moscou dans la campagne présidentielle américaine.

Les images du général assis à la table de Vladimir Poutine lors d’un dîner offert pour l’anniversaire de la chaîne d’Etat russe RT, en décembre dernier, ont fait jaser. Ses explications, selon lesquelles il avait été payé pour participer à l’événement, n’avaient pas de quoi rassurer, admet Fox News.

Ses relations avec le régime de Recep Tayyip Erdogan, en pleine dérive autoritaire, sont tout aussi embarrassantes. La société de conseil créée après son limogeage par l’administration Obama, Flynn Intel Group, fait affaire avec des sociétés proches du président turc, d’après le New York Times. Une proximité étalée dans la tribune publiée sur le site The Hill, où il plaide pour un soutien à Erdogan et se prononce en faveur de l’extradition de son pire ennemi, Fethullah Gülen, un « islamiste radical » selon lui.

Pourquoi il n’a pas pu être colistier de Trump

Autre paradoxe, Michael Flynn figurait parmi les possibles colistiers du candidat Trump, au début de l’été, mais deux « détails » l’en ont écarté: son affiliation démocrate -les listes électorales de certains d’Etat « enregistrent » la préférence des électeurs. Et le fait d’avoir déclaré, lors d’une interview, qu’en matière d’IVG, c’était aux femmes de décider. Son empressement à affirmer, le lendemain, son rejet du droit à l’avortement est arrivé trop tard. Il s’est par ailleurs déclaré prêt à conseiller Hillary Clinton si elle était élue, mais il aurait eu peu de chance d’y parvenir, étant banni du cercle de conseillers de l’ex-secrétaire d’Etat, assure le New York Times.

Le général Flynn conseille Trump depuis le début de sa campagne. Ici à Virginia Beach, le 6 septembre 2016.

Le général Flynn conseille Trump depuis le début de sa campagne. Ici à Virginia Beach, le 6 septembre 2016.

Reuters/Mike Segar

Le poste de Conseiller à la sécurité lui permettra en tout cas d’échapper aux accusations de conflit d’intérêt: contrairement aux postes ministériels, les conseillers rattachés au Bureau exécutif du président ne sont pas soumis aux auditions du Sénat.

Sera-t-il une éminence grise de Trump, voire son « Raspoutine » comme le fut Henry Kissinger, au même poste auprès de Richard Nixon? Seule certitude, la cohérence et le sens de la synthèse ne sont pas ses principaux atouts: « Si vous l’écoutez 10 minutes, vous l’entendrez se contredire deux ou trois fois », assure Sarah Chayes de la fondation Carnegie Endowment qui a travaillé avec lui. Un autre trait de caractère qu’il partage avec son patron.