Le gouvernement peut se féliciliter: la mise en oeuvre de la loi Travail n’est plus qu’une question d’heures… Le recours au 49.3, mercredi 20 juillet, a permis de faire passer un texte souvent remanié. Voici ce qu’il va changer pour l’entreprise et le salarié.
Il n’y a pas eu d’effet de surprise. Comme attendu, Manuel Valls a dégainé ce mercredi 20 juillet le 49.3 pour passer en force sur le projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. C’était son troisième usage de cet outil et il vient conclure cinq mois de débats et de tensions autour d’un texte censé redéfinir le code du travail.
« Une adoption aux forceps », a dénoncé la CGT qui estime la loi « régressive ».
Les sénateurs ayant rejeté le texte hier sans même en débattre, le processus de modification législative s’achève mercredi 20 juillet.
Sauf coup de théâtre ou censure du Conseil constitutionnel, qui pourrait décider de retoquer certains points, le texte est désormais figé et contient les réformes voulues par le gouvernement. 127 décrets sont attendus dans les prochains mois – avant la fin du mandat présidentiel,assure le ministère du Travail.
Beaucoup a été écrit sur le contenu de ce texte très dense et il est parfois difficile de savoir que retenir.
Voici 25 mesures qui vont impacter le quotidien des entreprises et des salariés, qu’il convient de suivre de près.
1. Refonte du code du travail
Création d’une commission chargée de proposer au gouvernement d’ici deux ans un nouveau code du travail. Cette commission associe à ses travaux les partenaires sociaux, en s’appuyant sur le Haut Conseil du dialogue social, qui « organisera en son sein une réflexion collective sur la refondation du code du travail ».
2. Religion dans l’entreprise
La loi rend possible d’inscrire dans le règlement intérieur de l’entreprise un principe de neutralité, restreignant la manifestation des convictions des salariés « si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ».
3. Temps de travail
Les 35 heurespar semaine demeurent la référence légale.
Pour les heures supplémentaires, l’entreprise pourra, via un accord, ramener la majoration de salaire à seulement 10% (le taux légal de majoration étant de 25%).
La durée maximale quotidienne de travail pourra, par accord d’entreprise, être portée de 10 à 12 heures, en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise. Il sera aussi possible, toujours par accord d’entreprise, de passer à une moyenne hebdomadaire de travail de 46 heures (au lieu de 44) sur 12 semaines.
Quand un salarié prend en charge une personne handicapée (ou un malade chronique), il pourra refuser de travailler la nuit.
Le forfait jours est sécurisé pour les entreprises : la loi reprend les principes érigés par la jurisprudence, exigeant des conventions de branches qu’elles comprennent, sous peine de nullité, des garanties minimales en terme de santé et de sécurité. Pour autant, une convention défaillante sur ces points ne fera plus forcément tomber le forfait jours, à condition que l’employeur ait de son côté fait les choses comme il faut : vérification de la charge de travail, entretiens périodiques, droit à la déconnexion…
4. Accords d’entreprise
Un accord d’entreprise, pour être valide, devra être majoritaire (signé par des syndicats représentant plus de 50% des suffrages aux dernières élections).
Les accords d’entreprise primeront sur les accords de branche, dans les domaines de l’organisation et du temps de travail.
Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, l’employeur pourra conclure un accord d’entreprise avec un élu ou un salarié mandaté (par un syndicat) dans tous les domaines où la négociation collective est ouverte.
Les accords d’entreprise feront l’objet d’une publicité, afin d’alimenter une base de données en open data. Les signataires pourront demander l’anonymisation de certains points.
5. Référendum
Faute d’avoir pu signer un accord majoritaire, les syndicats minoritaires (représentant quand même au moins 30% des suffrages aux dernières élections) pourront initier un référendum auprès des salariés pour valider l’accord. L’accord sera valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés
6. Branches
Un travail de restructuration des branches sera mis en oeuvre, pour réduire leur nombre.
Les branches vont être amenées à négocier un ordre public conventionnel, autrement dit des sujets (autres qu’en matière d’organisation ou du temps de travail) pour lesquels elles n’autoriseront pas un accord d’entreprise à prévoir des mesures moins favorables que l’accord de branche. Les sujets revenant forcément à la branche sont le salaire minimum, les classifications, les garanties collectives en matière de prestations sociales complémentaires, la mutualisation des fonds pour la formation professionnelle, la pénibilité, et l’égalité homme-femme.
Les branches pourront négocier des accords-types applicables directement et unilatéralement par les employeurs, dans les entreprises de moins de 50 salariés.
7. Accords de préservation et de développement de l’emploi
Il sera possible, par accord d’entreprise, de revoir l’organisation du travail, y compris en terme de durée et de rémunération, en vue de préserver ou développer l’emploi. Seul garde-fou: le maintien de la rémunération mensuelle des salariés.
Cet accord primera sur le contrat de travail. L’employeur pourra licencier le salarié qui refuse la modification de son contrat. Celui-ci bénéficiera d’un licenciement spécifique (ni économique, ni personnel) et du nouveau parcours d’accompagnement personnalisé, mais sans les mesures de reclassement.
L’accord de préservation et de développement de l’emploi pourra prévoir une clause « de retour à meilleure fortune » prévoyant « les conditions dans lesquelles les salariés bénéficient d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise à l’issue de l’accord ».
8. Licenciement économique
Les critères justifiant un licenciement économique sont précisés dans la loi et différenciés selon la taille de l’entreprise. Un seul trimestre de baisse de chiffre d’affaires significative, par rapport à la même période l’année précédente, suffira dans les TPE, mais il faudra deux trimestres consécutifs dans les entreprises comptant 11 à 299 salariés, 3 trimestres consécutifs dans celles comptant 50 à 299 salariés, et 4 trimestres consécutifs dans celles de 300 salariés et plus).
Le périmètre géographique d’appréciation des difficultés reste international.
9. Transfert et PSE
Lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) comporte une reprise de site, les règles du transfert n’empêcheront pas l’entreprise cédante de procéder au licenciement des salariés non repris.
10. Provision pour risque prud’homal
Toute entreprise de moins de dix salariés recrutant un salarié en CDI après la promulgation de la loi Travail, pourra, dès son embauche, provisionner des fonds pour de potentiels prud’hommes. La provision sera déductible du résultat imposable.
11. Congés exceptionnels
Certaines durées de congés exceptionnels sont modifiées.
Congé pour mariage: 4 jours ; pour le mariage d’un enfant : 1 jour ; pour la naissance d’un enfant ou l’arrivée d’un enfant adopté : 3 jours ; pour le décès d’un enfant : 5 jours (contre 2 actuellement) ; pour le décès du conjoint ou partenaire de PACS, du père, de la mère, du beau-père, de la belle-mère, d’un frère, d’une soeur : 3 jours (contre 2 aujourd’hui) ; pour l’annonce de la survenue d’un handicap chez un enfant : 2 jours.
12. Temps de trajet domicile-travail
Quand le temps de trajet domicile-travail est plus important ou plus pénible du fait d’un handicap, possibilité d’une compensation sous forme de repos.
13. Appui aux TPE/PME en matière du droit du travail
Création d’un service public territorial de l’accès au droit, pour aider les entreprises de moins de 300 salariés.
14. Compte personnel d’activité (CPA)
La loi Travail formalise l’ouverture en 2017, d’un compte ouvert pour chaque personne, dans lequel, tout au long de sa carrière, elle accumulera des droits et pourra décider de leur utilisation : formation, départ anticipé à la retraite… Il comprendra le compte personnel de formation (CPF), le compte pénibilité, et un nouveau compte d’engagement citoyen.
Il sera ouvert aux retraités.
Pour les salariés peu qualifiés (sans diplôme ou titre de niveau V, ou sans certification reconnue par une convention collective nationale de branche), l’alimentation du CPF est portée à hauteur de 48h par an, dans la limite d’un plafond de 400 heures.
15. Jeunes
Pour les jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en étude, ni en formation, généralisation dès 2017 du droit à la garantie jeunes sous condition de ressources: accompagnement renforcé vers l’emploi et allocation mensuelle de 461 euros, pendant un an. Pour les moins de 28 ans diplômés depuis moins de trois mois, création d’une aide à la recherche du premier emploi, accordée durant quatre mois.
16. Médecine du travail
La visite médicale systématique à l’embauche est supprimée, sauf pour les postes « à risque ».
Le mécanisme de contestation des avis d’inaptitude est revu.
17. Télétravail
Engagement d’une concertation sur ce thème, avec les partenaires sociaux, avant le 1er octobre 2016. Elle portera notamment sur l’évaluation de la charge de travail des salariés en forfait jours, les pratiques liées aux outils numériques et les modalités de fractionnement du repos quotidien ou hebdomadaire.
18. Droit à la déconnexion
A partir de 2017, le droit à la déconnexion devra être abordé lors de la négociation annuelle d’entreprise sur la qualité de vie au travail. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, s’il n’y a pas d’accord d’entreprise abordant le droit à la déconnexion, obligation de signer une charte sur le sujet.
19. Bulletin de paie
Sauf opposition du salarié, l’entreprise pourra choisir de remettre la fiche de paie sous format électronique.
20. Représentativité patronale
Le poids des différents syndicats patronaux dépendra à la fois du nombre d’entreprises adhérentes (30%) et du nombre de salariés qui y travaillent (70%).
21. Protection des jeunes mères
Interdiction de licencier les jeunes mères revenant de congé maternité pendant 10 semaines (contre 4 aujourd’hui).
22. Contrat de professionnalisation
À titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2017, le contrat de professionnalisation pourra être conclu par des demandeurs d’emploi, y compris ceux écartés pour inaptitude et ceux reconnus comme handicapés, notamment les moins qualifiés et les plus éloignés du marché du travail.
Ils pourront acquérir des qualifications autres que celles définies actuellement.
23. Amorce de statut pour les travailleurs des plateformes collaboratives
Une responsabilité sociale des plateformes est mise en place. Elles devront prendre en charge la cotisation d’assurance accidents du travail, à moins que le travailleur n’adhère à un contrat collectif souscrit par la plateforme et comportant des garanties au moins équivalente à l’assurance volontaire. Les travailleurs des plateformes bénéficient aussi d’un droit d’accès à la formation professionnelle, de la validation des acquis de l’expérience, du droit de grève, ainsi que de la possibilité de constituer un syndicat.
24. Formation des délégués syndicaux
Hausse de 20% du crédit d’heures.
25. Franchise
Instauration d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise d’au moins 300 salariés.